Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/90

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— Avouez qu’il convient de nettoyer cela ; et elle désignait dans les parterres dont les fleurs civilisées avaient disparu, la flore sauvage, les renouées, aux tiges roses et aux feuilles allongées, tachées d’encre ; les euphorbes qui balançaient au bout de leur petit pédoncule, couleur de chair, des paupières vertes avec des prunelles d’un vert plus jaune ; des vipérines hérissées de cils blancs et dont les fleurs violettes s’effilaient en de longs épis, dans des abris de feuilles rudes.

— Enlever cela ! Mais vous n’y pensez pas ; ce sont les dernières végétations qui n’aient pas fui ! Et puis, bien qu’elles ne figurent pas sur les listes de Walhafrid Strabo, ce sont, elles aussi, des fleurs médicinales, ces pauvrettes que vous méprisez tant ?

La renouée est pleine de tannin et elle est, par conséquent, excellente contre les paniques du ventre ; l’euphorbe, ou lait du diable, ou petite éclaire, ou lait de couleuvre, sinapise la peau et corrode les verrues ; la vipérine contient du nitrate de potasse et on peut la consommer en infusion sudorifique comme la bourrache ; tout sert, jusqu’à cette fausse ortie qu’on appelle le laurier pourpre et qui pue la cave, lorsqu’on écrase la feuille entre ses doigts ; — tenez, flairez-moi cela ; — on l’employait au Moyen-Age, broyée avec du sel, contre les contusions…

— Que ça sent mauvais, s’écria Mme Bavoil, en repoussant la main de Durtal — mais, dites donc, notre ami, vous êtes bien savant !

— Savant avec les livres. La vérité est que, disposant d’un jardin, je me suis amusé à acheter des dictionnaires d’horticulture, anciens et modernes ; et grâce aux planches coloriées, j’ai reconnu le nom des fleurs ; ce n’est