Page:Jammes - Le Deuil des primevères, 1920.djvu/102

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avec une cornette et des mains du Seigneur,
qu’il te faut pour guérir la fièvre de ton cœur.
Mais écoute : Il est, au cœur vert du noir bois frais,
un chêne, le plus grand de toutes ces forêts.
Une croûte d’abeilles d’or sur son tronc bouge,
et sa cime de nuit touche le soleil rouge.
Il est tordu ainsi qu’une vis de pressoir
et il a l’air, le soir, d’écraser des étoiles.
La nuit l’emplit de jour, le jour l’emplit de nuit.
Il est bon. L’écureuil dont le bond vole vite,
le grimpereau choqueur, le cerf-volant l’habitent.
Un petit monde humide sous son écorce s’abrite.
Une mousse en soleil vient mourir à ses pieds.
Il se réjouit bien, quand les douces averses
sonnent trembleusement sur ses feuilles alertes,
dans l’ébouriffement criard des vieux piverts
qui ont fait à son bois de petites fenêtres.
Au milieu du feuillage arrondi de ce chêne
est un grand nid de mousse, frais comme un bénitier,
que tapissent des fils-de-Vierge bleu-rosé
et des effeuillements de roses arrosées.
C’est dans ce nid d’amour tremblant qu’est étendue,
le corps plein de rosée, une jeune fille nue…