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HISTOIRE SOCIALISTE

de son grand esprit d’entreprise, pour se confondre, sans peur, dans la grande masse du Tiers-État.

La restriction même des citoyens actifs semble à cette date une précaution pour la Révolution plutôt que pour la bourgeoisie elle-même ;

En fait, la valeur locale des trois journées de travail qu’il fallait payer pour être citoyen actif et électeur, des dix journées de travail qu’il fallait payer pour être éligible aux fonctions municipales, fut fixée très bas dans un très grand nombre de communes : à Lyon, par exemple, elle fut fixée à 10 sous.

Il suffisait donc de payer trente sous d’impôt pour être électeur et 5 livres pour être éligible.

Les éligibles furent à Lyon, au nombre de 4450. Dans l’ensemble, le mouvement municipal était dirigé par la bourgeoisie riche et révolutionnaire : il n’était pas étroitement bourgeois au sens que la lutte des classes a précisé depuis. Et ce n’était point par corporation qu’avait lieu le vote. C’était par quartier : tous les citoyens actifs, quelle que fût leur profession et leur condition, étaient confondus : Les divers quartiers eux-mêmes n’étaient que des sections de vote, et les résultats étaient centralisés. Dans l’intérieur de la commune aucune barrière, aucune cloison ne s’opposait au mélange des forces, à l’ardente expansion de la vie.

Le maire n’était pas nommé, comme dans la loi d’aujourd’hui, par les officiers municipaux : il était directement élu comme maire par les citoyens actifs :

Article 16. Les maires seront toujours élus à la pluralité absolue des voix. Si le premier scrutin ne donne pas cette pluralité, il sera procédé à un second, si celui-ci ne le donne point encore, il sera procédé à un troisième, dans lequel le choix ne pourra plus se faire qu’entre les deux citoyens qui auront réuni le plus de voix au scrutin précédent ; enfin, s’il y avait égalité de suffrage entre eux à ce troisième scrutin le plus âgé serait préféré.

Ainsi c’est directement du peuple que le maire tenait son mandat. Les autres officiers municipaux étaient nommés directement aussi par les citoyens actifs, au scrutin de liste.

Comme on voit, ce n’est plus ici, comme pour l’élection des députés à l’assemblée nationale ou des administrations du département et du district, une élection à plusieurs degrés. Dans l’ordre municipal les citoyens actifs ne procèdent pas d’abord au choix d’un certain nombre d’électeurs qui, eux, choisissent en dernier ressort.

Les citoyens actifs désignent directement et d’emblée les membres du corps municipal. Ils choisissent ainsi, outre le maire et les officiers municipaux, un procureur de la commune, qui n’a pas voix délibérative, mais qui représente devant le corps municipal l’intérêt de la communauté locale. Il