Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/104

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fut acquise, même si on comptait Mailhe et ses amis comme opposants, qu’il se décida à préciser. Il se dit sans doute : A quoi bon se compromettre pour une cause qui, même ainsi, est perdue ? Mais il y a dans toute sa conduite quelque chose d’ambigu et de trouble qui semble bien confirmer les soupçons de Baudot. En tout cas, il y a là une intrigue. À en croire une note assez aigre du Journal de Brissot (numéro du mercredi 23 janvier), beaucoup de Conventionnels avaient compris que l’adoption du sursis était, pour Mailhe, la condition absolue de son vote pour la mort. Et c’est une preuve de plus que Mailhe n’avait pas déclaré que « la proposition était indépendante de son vote ».

« Mailhe (dit le Patriote français), dont on lira l’amendement au département de Haute-Garonne, a prétendu ensuite que cet amendement n’était pas indivisible ; mais toute la Convention en était si convaincue que, lorsque plusieurs membres ont conclu à la mort, en adoptant son sursis, il n’y a eu aucune réclamation, et lui-même n’a réclamé que trente heures après. Il ne m’appartient pas de penser qu’aucune considération ait pu influencer notre collègue ; mais j’ai dû dire pour la vérité du fait, que sa réclamation tardive n’a été faite à moi-même qu’à l’instant où le scrutin finissait d’être dépouillé. »

Quand, dans la séance du 18, il fut procédé à la vérification des votes, Mailhe, opportunément malade, se dispensa de fournir des explications personnelles et précises.

Plusieurs de ceux qui avaient voté l’amendement de Mailhe déclarèrent que leur vote était indivisible. D’autres, au contraire, expliquèrent que le vœu en faveur du sursis n’enlevait pas son caractère absolu et inconditionnel à leur vote pour la mort. « Mailhe, dit le procès-verbal, était absent pour maladie ; on observe que son vote, tel qu’il l’avait d’abord énoncé et qu’il le répéta hier, ne renferme aucune restriction, et que la demande qu’il a faite d’une discussion sur l’époque de l’exécution est indépendante de son vote pour la mort. » C’est sans doute cette interprétation donnée après coup qui a pris place abusivement dans l’énoncé premier du vote. Mais, pour prévenir toute contestation, la Convention ne compta pas, parmi ceux qui avaient voté la mort sans conditions, Mailhe et ses amis. C’est ainsi, par une intrigue girondine assez obscure et un peu inquiétante que s’ouvrit, avec Mailhe, le vote sur la peine. Pendant treize heures, les votes de mort, absolus ou conditionnels, les votes de détention ou de bannissement se succédèrent de telle sorte qu’il était impossible de savoir de quel côté serait la majorité.

Vergniaud vota pour la mort, mais avec le sursis de Mailhe. Ce n’était point en contradiction directe et brutale avec son discours, car il avait déjà affirmé souvent la culpabilité de Louis, et il avait dit que le peuple seul pouvait faire grâce. En demandant que la Convention délibérât sur