Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/335

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animait Dumouriez. J’emprunte au représentant Thibaudeau, qui s’est assez montré notre ennemi pour qu’on ne puisse pas l’accuser de partialité en faveur de Danton, le récit qui fit ce dernier dans cette circonstance : « Dumouriez, a de grands talents militaires et la confiance des soldats ; il est, surtout dans cet instant, très nécessaire à l’armée. Il a eu des torts très graves dans la Belgique ; le décret de réunion a contrarié ses idées. Il manifeste des principes politiques souvent contraires à ceux de la Convention. Il s’était persuadé qu’il appartenait à lui seul de diriger les révolutions de la Belgique et de la Hollande, qu’il voulait élever comme ses enfants, et à sa manière. Il aime à être caressé. Il a été entouré de flatteurs et d’intrigants, surtout d’anciens révolutionnaires du Brabant, qui lui ont fait faire beaucoup de sottises. Lors de son retour à Bruxelles, dans ce mois même, il a réintégré dans leurs fonctions les administrateurs provisoires destitués en vertu d’un arrêt des représentants du peuple en mission. Il a fait à Anvers un emprunt en son propre nom. Il n’a ni pour les commissaires de la Convention, ni pour la Convention elle-même, le respect qui leur est dû. Il a dit qu’elle était composée moitié d’ignorants, moitié de scélérats. À l’exemple de leur chef, les autres généraux se permettent des plaisanteries amères sur toutes les opérations du gouvernement. Cette conduite répréhensible a une influence funeste sur l’opinion de l’armée. En présence du représentant Gossuin, auquel on ne faisait nulle attention, les soldats s’écriaient : Voilà Dumouriez, notre père ! Nous irons partout où il voudra… » Ils se pressaient autour de lui, baisaient ses mains, ses bottes et son cheval. »

Or, il est évident que c’est la séance du 26. Le Comité de défense générale, renouvelé le 23, comptait parmi ses membres Danton et Camus. Il tint sa seconde séance (la première effective) le 26 à midi. Or dans le procès-verbal de cette séance je lis :

« Le ministre de la guerre communique une lettre du général Dumouriez relative à la situation de l’armée de la Belgique… — Le Comité, après avoir délibéré sur cet objet, arrête que le Conseil exécutif se retirera pour délibérer de suite sur les moyens les plus prompts et les plus efficaces pour porter secours à l’armée de Belgique, et que les deux commissaires de la Belgique assisteront à la délibération du Comité exécutif pour l’aider des renseignements qu’ils sont à portée de lui donner. »

Ces deux commissaires, ce sont évidemment Danton et Camus ; d’ailleurs le procès-verbal de la séance tenue le 20 mars, c’est-à-dire le soir du même jour, par le Conseil exécutif, commence ainsi :

« Tous les membres présents, le Conseil exécutif provisoire délibérant sur la situation des armées françaises dans la Belgique, en présence des citoyens Camus et Danton, membres du Comité de salut public de la Convention nationale, il a été arrêté, etc… »

Ainsi, quand Mortimer-Ternaux, abondant dans l’accusation girondine,