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et, dans l’instant même où il déplorait leur brutalité, il frappait ceux qu’elles avaient révoltés. Qu’auraient pu faire, de plus que lui MM. de Villèle, Corbière, La Bourdonnaye ? Il n’est que juste cependant de rappeler qu’il n’était pas le seul maître : la loi sur les cours prévôtales avait été voulue par la Chambre, et ces cours étaient présidées, comme les départements où elles fonctionnaient, par des émigrés impitoyables, bien prêts à le considérer lui-même comme un traître. Le pouvoir, emporté par les passions et les colères, ne put ou ne sut leur résister. Il aurait pu tenter, pour son honneur, une résistance plus noble, et les événements qui vont suivre, la dissolution de la Chambre, le calme qui accueillit cette mesure, l’échec aux élections de la plupart des royalistes terroristes, démontra qu’avec de la volonté et du courage on eût épargné à notre histoire ces jours sinistres où l’on ne peut rien retenir qui élève l’esprit et élargisse le cœur de l’homme.


CHAPITRE VII


DISSOLUTION DE LA CHAMBRE — MINISTÈRE DE M. DE RICHELIEU


M. Decazes et le roi. — La dissolution de la Chambre introuvable. — Succès électoral du cabinet. — Ouverture de la session. — Loi électorale du 5 février 1817. — Nouvelle loi sur la liberté individuelle. — Les complots de Lyon et le général Canuel. — Élections de 1817. — Succès des indépendants. — Vingt-huit exécutions dans le département du Rhône et cinq cent quinze arrestations. — Session de 1818. — Loi du recrutement. — Projet de nouveau Concordat. — La libération du territoire. — L’agiotage sur les emprunts. — Congrès d’Aix-la-Chapelle. — Élections de 1818. — Écrasement des royalistes ministériels et des ultras par les indépendants. — Élection de La Fayette et de Manuel. — Inquiétudes des alliés. — M. de Richelieu se rapproche de la droite. — Divisions des ministériels. — Démission collective. — Le cabinet Decazes.


M. Decazes désirait ardemment la dissolution : comme pour enrayer le retour des hésitations, il avait modifié le ministère et avait, par là, rendu difficile toute rencontre entre la Chambre et lui. Mais ce n’était pas tout que d’être animé d’une volonté forte : il fallait gagner à la cause le roi, les ministres, les alliés, tuteurs avides de la fortune française et qui redoutaient que leur créance fût compromise. À vrai dire, le roi était assez irrité contre la majorité : il était impatient de rejeter le joug pesant que dans son zèle elle faisait peser sur sa dignité, le conseillant, l’inspirant, écoutant ses vœux avec les propositions de ses ministres. Et surtout il n’avait pu accepter la formule injurieuse que toute la droite avait acclamée et mise en circulation : « Vive le roi quand même ! »

Mais cette irritation serait sans doute tombée avec le temps si un habile ministre n’en avait attisé les feux. M. Decazes avait depuis longtemps enveloppé le roi dans la conjuration la plus aimable et la plus douce. On ne peut