Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/30

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fille se mettait à lutter contre ses oppresseurs, et son visage s’animait du feu d’une sainte colère : l’âme de l’être libre se révoltait contre cette usurpation criminelle. Puis, ses forces physiques s’épuisaient, la voix cessait de proférer des cris de reproche ; une réaction complète, un abattement absolu, s’emparaient de la victime, qui sortait de cette crise momentanée pour implorer le ciel, ses maîtres, ses amis, tous les témoins de cette scène horrible, et réclamer ses anciennes chaînes de préférence à celles de l’étranger et du déshonneur.

Dans la lutte, ses cheveux s’étaient répandus sur son visage baigné de larmes; son corsage s’était entr’ouvert. Ce désordre provoquait chez le boucher des regards de délice et de convoitise. Il s’assit avec une sorte de joie brutale à côté de sa compagne éplorée, et fouetta résolument ses chevaux.

En dépit des efforts du maître, cette scène affligeante avait jeté un air de tristesse sur la plantation. Je profitai des préoccupations de tous pour m’esquiver, en compagnie de deux négrillons qui allaient abreuver le bétail. Vrais enfants des tropiques, ces petits noirs marchaient nu-jambes et nu-pieds, vêtus seulement d’une chemise flottante de calicot blanc. Malgré l’importance qu’ils attachaient à leurs jeux, malgré l’insouciance naturelle de leur race, ils ne pouvaient s’empêcher de partager aussi les regrets de la jeune fille qu’on venait d’enlever. « Pauvre Amanda, dit le plus petit des deux à son compagnon, est-ce que le boucher la tuera? » — « Non, dit l’autre, mais il la fouettera jour et nuit.»

Les moutons paissaient dans une prairie assez éloignée. Sur le chemin de l’abreuvoir, derrière un bouquet