Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/36

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lutte émouvante, terrible, entre les sentiments inculqués et les idées de nature. Les minutes semblaient des heures. J’avais amené mon cheval à cinquante mètres du clayonnage, où je me tenais en selle immobile, le pied dégagé de l’étrier gauche. Je m’attendais à chaque instant à voir briller la lumière des pistolets, à entendre les cris des moribonds. Tout à coup la forme svelte d’une femme, agile comme une Diane, franchit d’un bond la barrière; je sens la selle se pencher vivement; un bras nerveux et crispé me saisit au cou, et mon cheval prend le galop dans la prairie vierge.

Je portai Amanda au rendez-vous des noirs. Huit ou dix esclaves, parmi lesquels figurait William, partirent cette nuit même.

Outre les premiers secours qu’ils avaient reçus du révérend Jasper, je m’étais engagé à leur faciliter le voyage jusqu’à quelque distance de leurs plantations. Il s’en fallut de peu que je n’en fusse empêché dès le lendemain. En traversant un hameau nommé Mac Govan’s, formé de quatre ou cinq habitations, je trouvai tout en émoi dans les environs. Une troupe de rangers à cheval, c’est-à-dire de fermiers et de fils de fermiers, armés pour la protection de leur propriété en esclaves, venait d’arrêter un marchand ambulant. On l’avait fait descendre de sa voiture. Les habitants du hameau étaient sortis avec leurs carabines, et déjà une corde menaçante pendait aux premières branches d’un pecanier séculaire, sous lequel on avait traîné plutôt que conduit l’étranger.

— « Vous étiez hier à Smithville, criait une voix.»

— « Mais non, concitoyens, mais non, reprenait le voyageur, je n’étais pas hier à Smithville, et je n’y suis