Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/39

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celui qui vient ainsi vous priver de votre propriété, par ruse et par astuce ? »

— « Il faut le pendre ! » dirent avec colère plusieurs voix.

— « Qu’on le pende donc, reprit l’accusateur. S’il n’est pas l’instigateur du crime, il étend du moins ses sympathies aux criminels. Qu’on le pende comme un chien damné de républicain noir[1]…»

— « Concitoyens, interrompit de nouveau le voyageur, le visage pâle, l’œil hagard, je vous en supplie, ne jugez pas sur quelques apparences trompeuses. Mon État, le Tennessee, est aussi un état à esclaves. J’ai passé toute ma vie au milieu des planteurs, et j’en ai toujours respecté les droits. Je ne me mêle[2] jamais des affaires des nègres. Je m’occupe d’un commerce légitime et sérieux. Je vous défie de trouver quelqu’un qui m’ait vu hier à Smithville. Le hasard seul m’a conduit sur cette route dans un moment de défiance. Je proteste de mon innocence, au nom de tout ce qui vous est sacré.»

Je compris, en cet instant, ce qu’il y a de terrible dans la situation d’un étranger, traduit, au coin d’un bois, devant des campagnards irrités qui sont à la fois juges et parties. J’avais entendu le marchand, suivant l’expression américaine, plaider pour sa vie[3]. Je me reportais à nos cris à la lanterne! et aux vengeances de nos révolutions. Mais il n’y avait, dans cette scène, rien de ce qui excusait les égarements de nos grands soulève-

  1. A damned black republican puppy.
  2. Tamper.
  3. Pleading for his life.