Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/44

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pas pesants de plusieurs hommes retentissaient sur le plancher de sapin. — « Du pain, gentleman, du pain! criaient différentes voix ; nous le payerons, mais nous sommes affamés, et nous n’avons pas de temps à perdre.»

On imagine aisément que cette irruption subite, au milieu de la nuit, et dans l’isolement de ces campagnes, jeta d’abord un certain émoi parmi la famille du settler. Celui-ci se leva sur-le-champ, et sans prendre le temps de s’habiller, alluma l’élégante lanterne que l’on décore dans le Far West[1] du nom de lampe.

Au milieu de notre vaste chambre à coucher commune, divisée par des rideaux en alcôves immenses, se tenaient huit hommes, armés de revolvers et de couteaux. Tous les âges, tous les degrés de couleur, toutes les races d’Afrique, tous les types de développement physique ou moral, étaient représentés dans cette petite bande. Comme pour attester qu’il n’est point d’homme qui demeure insensible à la liberté et à l’exercice de ses droits de nature, on retrouvait parmi les fugitifs des spécimens des races appelées inférieures : des nègres à la peau mêlée de jaune, aux cheveux laineux et fortement crépus, au nez épaté, aux lèvres pendantes.

C’étaient les runaways qui venaient d’entrer dans la ranche. Je reconnus immédiatement William. Ses habits, malgré les difficultés de la fuite, conservaient encore des traces de quelque recherche, et l’on voyait aisément qu’il avait été élevé dans l’intérieur de la maison. Ses compagnons ressemblaient à une bande de

  1. L’Ouest reculé.