Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/46

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devant l’habitation. C’étaient les rangers du capitaine Keen, à la poursuite des déserteurs nègres.

— « Avez-vous vu les runaways dans votre voisinage ? » cria de loin le commandant.

Le fermier, pénétré à ces mots d’une crainte évidente, et appuyant avec insistance sur la situation de force majeure où il s’était trouvé, entreprit un récit décousu des événements de la nuit précédente. Il s’étendit en protestations de dévoûment pour l’ordre de choses établi, se déclara pour la scission des États du Sud, et plaida la perpétuité de l’esclavage, institution qu’il proclamait, suivant le mot d’ordre des maîtres, une vraie bénédiction pour son pays.

Les rangers, sans se laisser prendre entièrement à cet acte de platitude, furent satisfaits de l’esprit de soumission de mon hôte. Ils le questionnèrent amicalement, dans le simple désir d’obtenir des renseignements plus précis. En recevant de sa bouche la description d’un mulâtre foncé : « C’est un nègre à mon père, » s’écria le jeune Anthony, l’accusateur du marchand ambulant. « Nous l’avions acheté à Galveston deux mille dollars. Le coquin ne nous a jamais bien servis. Cent fois mon père m’a ordonné de lui appliquer les étrivières, que j’avais soin d’assaisonner de piment ou de sel[1]. En dernier lieu, il était tombé dans la religion; il s’était institué prêcheur méthodiste. Le dimanche, quand j’avais donné l’instruction morale aux nègres de la plantation, il se mettait à faire le catéchisme à ses

  1. Les mauvais maîtres se plaisent à frotter les plaies produites par le fouet, avec du piment, du sel ou des cendres brûlantes.