Page:Jean Paul - Sur l’éducation, 1886, trad. Favre.djvu/26

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celles de Montaigne qui s’exprime ainsi : « Quant à cette nouvelle vertu de feinctise et dissimulation qui est à cette heure si fort en crédit, ie la hais capitalement ; et de touts les vices, ie n’en trouve aulcun qui tesmoigne tant de lascheté et bassesse de cœur. C’est une humeur couarde et servile de s’aller desguiser et cacher soubs un masque, et de n’oser se faire veoir tel qu’on est : par là nos hommes se dressent à la perfidie ; estants duicts à produire des paroles faulses, ils ne font pas conscience d’y manquer. Un cœur généreux ne doibt point desmentir ses pensées ; il se veult faire veoir jusques au dedans, tout y est bon, ou au moins, tout y est humain. Aristote estime office de magnanimité haïr et aimer à descouvert, juger, parler avecques toute franchise, et, au prix de la vérité, ne faire cas de l’approbation ou reprobation d’aultruy. Apollonius disait que « c’estait aux serfs de mentir, et aux libres de dire la vérité » ; c’est la première et fondamentale partie de la vertu ; il la fault aimer pour elle-même. Celuy qui dit vray, parce qu’il y est d’ailleurs obligé, et parce qu’il sert, et qui ne craint point à dire mensonge, quand il n’importe à personne, il n’est pas véritable suffisamment. Mon âme, de sa complexion, refuyt la menterie, et hait mesme à la penser : i’ay une interne vergongne et un remords picquant, si parfois elle m’échappe.

« C’est un vilain vice que le mentir, et qu’un ancien peinct bien honteusement, quand il dict que « c’est donner tesmoignage de mespriser Dieu, et