Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/268

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gnée de la sauvage amertume de Swift et de la lourde moquerie de Carlyle. Son indignation est aussi vive que la leur mais elle s’adoucit en une fantaisie pleine d’enjouement. Il est ainsi fait et nous devons le prendre tel qu’il est. Et si Ruskin se compare à Thésée c’est dans le même esprit sardonique qu’Hamlet lorsqu’il se compare à Hercule ; ou bien, lorsque Ruskin nous donne des détails biographiques sur son enfance, il fait comme Hamlet lorsque celui-ci laisse jouer son ardente pensée avec le crâne de Yorick sur le tombeau d’Ophélie. Fors est une satire de la vie moderne présentée sous la forme d’un gracieux badinage.

Au point de vue purement littéraire, son caractère le plus marqué consiste dans l’ordre et la suite des idées qui se succèdent de la façon la plus extraordinaire et la moins attendue. Chaque paragraphe, chaque sentence, chaque phrase même semble au lecteur la dernière à laquelle il aurait songé pour faire suite à la précédente. Elles semblent d’abord ne présenter aucune connexion jusqu’au moment où nous découvrons le lien subtil, souvent étrange, quelquefois le simple jeu de mots, qui unit deux passages. La transition est si ingénieuse, si imprévue, et cependant si gracieuse et en tout cas si originale que l’impression qui en reste est agréable et jamais obscure. L’atten-