Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/37

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Les accents inarticulés des passions ne sont pas plus naturels à l’homme que la poésie.

L’esprit n’a point de part à la véritable poésie ; elle est un don du ciel qui l’a mise en nous ; elle sort de l’âme seule ; elle vient dans la rêverie ; mais, quoi qu’on fasse, la réflexion ne la trouve jamais. L’esprit, cependant, la prépare, en offrant à l’âme les objets que la réflexion déterre, en quelque sorte. L’émotion et le savoir, voilà sa cause, et voilà sa matière. La matière sans cause ne sert à rien ; la cause sans matière vaudrait mieux : une belle disposition qui demeure oisive, se fait au moins sentir à celui qui l’a, et le rend heureux.

Le talent poétique naît dans les âmes vives de l’impuissance de raisonner.

La poésie n’est utile qu’aux plaisirs de notre âme.