Page:Jouffret - De Hugo à Mistral, 1902.djvu/42

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les nuances ombrées qui expriment le degré d’absorption dans chaque couleur. Il y a bien des ombres, ajoute M. Mabilleau, mais elles correspondent aux divers mouvements de la lumière sur lés surfaces, non à la coloration intrinsèque des choses. »

Si nous consultons maintenant Toeuvre littéraire, qui est après tout la chose importante, nous y trouvons des indications qui concordent pleinement avec les observations précédentes.

Dans son voyage à travers la Suisse et sur les bords du Rhin, c’est à peine si Ton trouve dix fois le mot « vert ». Dix fois seulement, le poète s’aperçoit qu’il y a de la verdure en Suisse, mais nulle analyse de cette couleur. En revanche, ajoute M. Mabilleau que je me contente de résumer, il y a une richesse inouïe dans la description de la lumière blanche et de ses dégradations. Dix-sept mots pour rendre la limpidité, l’éclat, l’étincellement. Seize pour le blanc et ses variétés, la neige, la nacre, le brouillard ; dix-huit pour le noir et le gris, le sombre, l’ébène.

Cette tendance s’accuse de plus en plus -dans les œuvres suivantes. Les couleurs s’éteignent, s’évanouissent, disparaissent. L’œil du poète ne semble plus sensible qu’au noir et au blanc. Sa vision ressemble à ses dessins : c’est une eau-forte, les rayons colorés s’y traduisent ou s’y impriment en noir ou en gris. Sa rétine est comme une plaque photographique.

Cette opposition des rayons et des ombres, du noir et du blanc, reparaît dans toutes ses œuvres, dans toutes ses images. Voit-il un navire sur les flots?

« Le navire était noir, mais la voile était blanche. »


Veut-il décrire les sages qui se promènent sous le péristyle d’un temple ? Il les voit

« Tour-à-tour blancs et noirs dans l’ombre des piliers. »