Page:Jourde - Souvenirs d’un membre de la Commune.djvu/123

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Et il se retira.

L’un de nous demanda au féroce aubergiste l’explication de sa conduite.

« — C’est un forçat libéré, je n’en veux pas chez moi.

— Pourquoi cela ?

— Si je recevais une pratique de cette espèce, je perdrais toute ma clientèle ; cela a failli déjà m’arriver dans un cas semblable. Je ne tiens pas à être ruiné. Ce que je viens d’être obligé de faire, est d’autant plus regrettable (ajouta le chef de la maison, à notre grande surprise) que ce malheureux est un modèle de courage et de bonne conduite. Condamné à cinq ans de travaux forcés pour avoir détourné chez son patron des objets de toilette destinés à parer sa maîtresse, il est entré au bagne à vingt-deux ans. Depuis qu’il en est sorti, sa conduite est irréprochable. »

Le lendemain matin je rentrai à Nouméa avec un ami. Sur la route nous aperçûmes, entre deux gendarmes, les menottes aux mains, le libéré que nous avions vu si malmené la veille.

Il avait, en sortant de l’auberge, forcé la porte d’une baraque de surveillant de plantations, il avait cassé une chaise et un violon et s’était laissé arrêter sans résistance sur le lieu où il avait commis cet acte de violence.

Au conseil de guerre devant lequel il comparut deux jours après, il répondit : « Je n’ai pas voulu voler, vous le savez bien, mais l’existence de forçat