Page:Jourde - Souvenirs d’un membre de la Commune.djvu/21

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« Certainement, me fut-il répondu ; je pourrais me plaindre ; mais voici ce qui m’arriverait : mon patron serait appelé à s’expliquer ; il se contenterait de dire qu’il m’a trouvé en train de le voler et, pour m’éviter les cinquante coups de fouet réglementaires, et par pure humanité, il s’est borné à m’infliger une correction exemplaire au lieu d’adresser sa plainte. Là-dessus, il serait doucement blâmé, et l’on m’appliquerait cinquante coups de corde ; je mourrais sous les coups : à mon âge on ne résiste pas à la peine du fouet. » Je ne trouvai rien à répondre devant cette douloureuse explication.

Le gouverneur, seul, tire un profit sérieux du travail des forçats ; il en occupe 99 (le gouvernement ne lui permettant pas l’emploi de cent transportés) soigneusement choisis parmi les meilleurs ouvriers menuisiers et ébénistes du bagne. Ces hommes fabriquent, avec les beaux bois du pays, des meubles qui sont expédiés aux frais de l’État et vendus au bénéfice du gouverneur. Voilà tout ce que l’État a trouvé pour moraliser ses huit mille forçats et les rendre utiles à la patrie.

La ville de Nouméa, à l’exception d’une cinquantaine de débits de boissons, n’a guère qu’une vingtaine d’établissements de commerce et une dizaine d’entreprises industrielles.

Les relations, par terre, avec l’intérieur du pays sont à peu près nulles. Deux routes seulement ont été construites : l’une d’une longueur de vingt kilomètres conduisant au Pont des Français et à Païta, au nord ; l’autre, partant du quartier latin, un fau-