Page:Jourde - Souvenirs d’un membre de la Commune.djvu/48

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Pendant que Grousset me parlait, mes regards fouillaient la rade. En face de moi un petit îlot se détachait du camp des surveillants à deux cents mètres de leurs cases ; cette pointe ne paraissait pas surveillée. De Nouméa on devait facilement l’apercevoir.

Brusquement je demandai à Grousset s’il leur était interdit d’aller se baigner de ce côté.

« Pourquoi cela ? me dit-il. Ne vois-tu pas que cette pointe est à quelques mètres du camp militaire ? Nous pouvons nous baigner dans cette petite baie, dont elle forme l’un des côtés ; nous n’avons pas le droit d’y prendre pied mais nous pouvons nous en approcher d’assez près. Mais que veux-tu dire ?

» Je pensais que par une nuit obscure vous pourriez suivre les bords de la mer, aborder facilement et sans être vus la pointe extrême de l’îlot, et attendre là une barque partie de Nouméa pour vous y chercher. Supposons cette barque trouvée, supposons-la montée par trois déportés simples résolus, qui se seraient assuré le concours d’un bateau étranger sur le point de quitter la rade.

» Il faudrait, avec de grandes précautions, éviter la surveillance du port, franchir, en évitant les rondes et les récifs, la distance de six kilomètres qui nous sépare de Nouméa. Tout cela est faisable. Sans bruit nous vous détachons de votre rocher et nous gagnons, à force de rames, le navire qui nous attend. À quatre heures du matin, l’appareillage. À midi au plus tard nous pouvons être hors des récifs. C’est seulement