Page:Jourde - Souvenirs d’un membre de la Commune.djvu/54

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nos têtes, et ce fut après les efforts les plus inouïs que nous pûmes atteindre le quai de débarquement.

Ma permission visée, je me rendis par une pluie battante, secoué par d’effroyables rafales, à la case de Paschal Grousset. Ses trois habitants se précipitèrent à ma rencontre. J’étais ruisselant, exténué de fatigue, couvert de boue, et durant quelques minutes je ne pus dire une parole.

Je donnai rapidement les explications indispensables, et fis part à mes amis de l’embarras d’argent dans lequel je me trouvais. Ballière et moi avions bien les fonds nécessaires aux trois déportés simples, mais une somme de mille francs manquait encore pour mener à bien l’évasion plus compliquée de Grousset, Pain et Rochefort. Ce dernier avait pu assez souvent faire escompter des traites à Nouméa ; il me remit donc un effet de douze cents francs et il fut entendu, qu’avec le secours d’un négociant qui avait déjà rendu un service semblable, je ferais les fonds de la traite souscrite, me réservant la grosse difficulté de transformer en or les billets coloniaux, sans valeur hors de la colonie. Les dernières dispositions furent prises.

Je ne pouvais encore fixer l’heure et le jour de l’embarquement ; nous arrêtâmes qu’aussitôt que j’en serais informé je remettrais à Grantille, qui faisait tous les jours le voyage de Nouméa à la presqu’île, une lettre d’avis adressée à Grousset et ainsi conçue :

« Mon cher Grousset, je t’enverrai ce soir (si l’af-