Page:Jourde - Souvenirs d’un membre de la Commune.djvu/82

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là deux cents fédérés qui, depuis soixante jours, se battaient aux avant-postes. À l’appel du délégué à la guerre, tous se levèrent pour le suivre.

Delescluze, que je rencontrai à ce moment, me permit de l’accompagner.

Je fus frappé de l’aspect calme, sévère, du vieux révolutionnaire. Sa mise correcte tranchait sur le désordre des vêtements de ceux qui l’accompagnaient.

Frais rasé, il portait une chemise éclatante de blancheur, retenue par trois boutons en or ; son chapeau de soie noire était irréprochable. Un pardessus de demi-saison recouvrait une redingote noire, boutonnée soigneusement dans toute sa longueur. Les bottines étaient fines et élégantes.

Il marchait impassible sur le côté gauche du boulevard Voltaire ; sa démarche crâne et décidée ne sollicitait que par saccades régulières l’appui d’une canne à pomme d’or, qui servit plus tard à le faire reconnaître.

Pour mourir, Delescluze avait retrouvé toute sa force, toute sa virilité ; il avait fait soigneusement, coquettement sa dernière toilette.

Sur notre route, dans une petite charrette traînée à bras, nous reconnûmes Lisbonne, ce fou de courage et de témérité, que l’on rapportait les deux cuisses broyées par un éclat d’obus.

Plus loin, nos collègues Theisz et Avrial ramenaient, sanglant, blessé à mort, le brillant publiciste, notre cher et courageux Vermorel, qui n’avait pas