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DE L'IMAGINATION PRODUCTIVE.


que déchoir lorsqu’elle vient à être comparée avec l’idée préconçue. Le même fait a lieu lorqu’on annonce avec des éloges excessifs un ouvrage, un drame, ou tout autre chose du domaine des beaux-arts ; car la chute est certaine lorsque vient le moment de la publicité. Rien que d’avoir lu une bonne pièce de théâtre, l’impression en est déjà plus faible à la représentation. — Mais si l’ouvrage auparavant comblé d’éloges trompe de tout point l’attente, fût-il d’ailleurs innocent, il tombe dans un ridicule extrême.

Ce qui change l’es formes mobiles, qui n’ont par elles-mêhles aucune signification propre et capable d’exciter l’attention, tel que le mouvement de la flamme du foyer ou le cours varié d’un ruisseau et les bouillonnements de ses eaux sur des pierres, entretient l’imagination d’une foule de représentations d’espèces toutes différentes (différentes de celles qui affectent ici la vue), qui se jouent dans l’esprit et s’y enfoncent par la réflexion. La musique même, pour celui qui ne l’entend pas en connaisseur, peut placer un poète ou un philosophe dans la situation où chacun, suivant ses occupations ou ses affections, peut saisir des pensées et s’en rendre maître avec plus de facilité et de bonheur que s’il était resté tranquille dans sa chambre. La cause de ce phénomène semble tenir à ce que, si, par quelque chose de divers qui ne peut d’ailleurs par lui-même exciter l’attention, le sens est détourné de quelque autre objet qui le frappe plus fortement, la pensée alors s’en trouve non seulement soulagée, mais encore animée, en ce sens