Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/44

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assembla. Tout en bâillant désespérément, il avança la main vers l’étui à fusil, prit une cartouche à balle et la glissa dans la culasse du 360 express.

— Et Imray Sahib est parti pour l’Europe secrètement ? C’est bien étrange, n’est-ce pas, Bahadur Khan ?

— Que sais-je des façons d’agir des blancs, fils du ciel ?

— Très peu, en effet. Mais tu vas en apprendre davantage. Il m’est revenu qu’Imray Sahib est de retour de ses longues pérégrinations, et qu’à cette heure même il est couché dans la pièce voisine, attendant son serviteur.

— Sahib !

La clarté de la lampe glissa le long des canons de l’arme tandis qu’ils s’élevaient pour coucher en joue la large poitrine de Bahadur Khan.

— Va donc voir ! dit Strickland. Prends une lampe. Ton maître est fatigué et il t’attend. Va !

L’homme saisit une lampe et s’en fut dans la salle à manger, suivi de Strickland qui le poussait presque avec la gueule du fusil. Il jeta les yeux un instant sur les sombres profondeurs de derrière la toile de plafond, puis à ses pieds sur le corps du serpent mutilé, et enfin sur la chose étendue sous la nappe. Une teinte grisâtre s’étala sur son visage.

— As-tu vu ? dit Strickland après un silence.

— J’ai vu. Je suis l’argile dans la main du blanc. Que va faire Votre Honneur ?

— Te faire pendre avant un mois ! Que voudrais-tu d’autre ?