Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/51

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tire sentit contre sa poitrine renaître un peu de chaleur. Orde se remit à murmurer :

— Ce n’est pas de mourir qui me préoccupe. C’est de quitter Polly et le district. Dieu merci ! nous n’avons pas d’enfant. Dick, vous savez, je suis endetté… terriblement endetté… des dettes de mes cinq premières années de service. Elle n’aura pas grand’chose comme pension, mais cela lui suffira. Elle a sa mère au pays. Le difficile sera d’y arriver. Et… et… vous comprenez, comme elle n’est pas femme de militaire…

— Nous nous occuperons de la ramener en Angleterre, comme de juste, dit tranquillement Tallantire.

— L’idée de faire une collecte n’a rien d’élégant ; mais, bon Dieu ! tandis que je suis couché ici combien d’autres je me rappelle qui ont dû y recourir ! Morten est mort… il était de mon âge. Shaughnessy est mort, et il avait des enfants, lui ; je me rappelle qu’il nous lisait leurs lettres d’écoliers ; comme nous le trouvions assommant ! Evans est mort… Kot-Kumharsen l’a tué ! Ricketts de Myndonie est mort… et je vais mourir aussi. « L’homme né de la femme ne pèse pas lourd dans la montagne. » Ceci me fait souvenir, Dick ; les quatre villages khusru kheyl qui sont dans nos frontières demandent une exemption d’un tiers ce printemps. C’est justice ; leurs récoltes sont mauvaises. Veillez à ce qu’ils l’obtiennent et parlez à Ferris au sujet du canal. J’aurais aimé vivre jusqu’à ce que ce travail fût terminé ; il a tant d’importance pour les villages du