Page:Kipling - Le Livre de la jungle, illustré par de Becque.djvu/25

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— Là, Shere Khan a raison ; le petit doit être montré au Clan. Veux-tu encore le garder, mère ?

Elle haletait :

— Si je veux le garder ! Il est venu tout nu, la nuit, seul et mourant de faim, et il n’avait même pas peur. Regarde, il a déjà poussé un de nos bébés de côté. Et ce boucher boiteux l’aurait tué et se serait sauvé ensuite vers la Waingunga, tandis que les villageois d’ici seraient accourus à travers nos reposées, faire une battue pour en tirer vengeance ! Si je le garde ? Assurément, je le garde. Couche-toi là, petite Grenouille. Ô toi, Mowgli — car Mowgli la Grenouille je veux t’appeler, le temps viendra où tu feras la chasse à Shere Khan comme il t’a fait la chasse à toi !

— Mais que dira notre Clan ? dit Père Loup.

La Loi de la Jungle établit très clairement que chaque loup peut, lorsqu’il se marie, se retirer du Clan auquel il appartient ; mais, aussitôt ses petits assez âgés pour se tenir sur leurs pattes, il doit les amener au Conseil du Clan, qui se réunit généralement une fois par mois à la pleine lune, afin que les autres loups puissent reconnaître leur identité. Après cet examen les petits sont libres de courir où il leur plaît, et, jusqu’à ce qu’ils aient tué leur premier daim, il n’est pas d’excuse valable pour le loup adulte du Clan qui tuerait l’un d’eux. Comme châtiment, c’est la mort pour le meurtrier où qu’on le trouve, et, si vous réfléchissez une minute, vous verrez qu’il en doit être ainsi.

Père Loup attendit jusqu’à ce que ses petits pussent un peu courir, et alors, la nuit de l’assemblée, il les emmena avec Mowgli et Mère Louve au Rocher du Conseil — un