Page:Kipling - Le Livre de la jungle, illustré par de Becque.djvu/257

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— Messeigneurs, dit le Chameau avec humilité, nous avons fait de mauvais rêves dans la nuit et nous avons eu très peur ! Je ne suis qu’un des chameaux de convoi du 39e d’Infanterie Indigène, et je ne suis pas aussi brave que vous, Messeigneurs.

— Alors, pourquoi ne pas rester à porter les bagages du 39e d’Infanterie Indigène, au lieu de courir partout dans le camp ? dit le Mulet.

— C’étaient de si mauvais rêves, dit le Chameau. Je suis bien fâché. Écoutez ! Qu’est-ce que c’est ? Faut-il courir encore ?

— Couchez-vous, reprit le Mulet, ou bien vous allez vous rompre vos longues perches de jambes entre les canons. (Il dressa l’oreille, aux écoutes.) Des bœufs ! dit-il. Des bœufs de batterie. Ma parole, vous et les vôtres avez réveillé le camp pour de bon ! Il faut un joli boucan pour faire lever un bœuf de batterie.

J’entendis une chaîne traîner au ras du sol, et un attelage de ces grands bœufs blancs taciturnes qui traînent les lourds canons de siège, quand les éléphants ne veulent plus avancer sous le feu, arriva en s’épaulant ; sur leurs talons, marchant presque sur la chaîne, suivait un autre mulet de batterie, qui appelait avec affolement « Billy ».

— C’est une de nos recrues, dit le vieux Mulet au cheval de troupe. Ici, jeunesse. Assez braillé, l’obscurité n’a jamais encore fait de mal à personne.

Les bœufs de batterie se couchèrent en même temps et se mirent à ruminer, mais le jeune mulet se blottit contre Billy.