Page:L'ami des monuments I.djvu/66

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fassent l’office de professeurs. Est-il un moyen plus sûr d’assurer la suprématie artistique de notre pays que de mettre l’art partout, dans la rue comme dans la maison ?

Il est grand temps que des théories toutes contraires, qui ont enlaidi notre vie, cessent de vivre. C’est parce qu’elle s’est courageusement attribué cette tâche qu’en quelques mois la Société des Monuments parisiens a vu venir à elle, avec la notoriété de toute l’élite du monde parisien. C’est pour cela — mille lettres en font foi — que des centaines d’adhérents se sont déjà inscrits sur nos listes. C’est ainsi que nous avons pu obtenir, sans autre pouvoir que celui de nos études et de notre conscience, bien des mesures utiles, telles que celle de la restauration de la Porte Saint-Denis, qui perpétuera longtemps encore le souvenir du Rhin enchaîné par les armées françaises. Si l’État moderne semble s’être montré complètement insouciant de laisser la médiocrité se prélasser sous toutes ses formes devant les yeux du public, j’ose espérer qu’il ne tardera pas à entrer dans une voie propre à épurer le goût. On ne peut tout d’un coup détruire le laid et le mauvais ; mais en plaçant le bon à côté du mauvais, la foule, préparée par la vue des chefs-d’œuvre de l’art et par un commerce familier avec le beau, peut devenir un juge excellent, parce qu’il est enthousiaste, et sévère, parce qu’il a le droit d’être exigeant.

C’est pourquoi nous n’avons pas craint de parler avec énergie quand Paris s’est vu menacer d’une conception du Métropolitain propre à détruire tout ce qui fait aux yeux des étrangers le charme de la capitale de la France. Nous avons dû à cette attitude, et, j’ai hâte de l’ajouter, nous le devons surtout à notre éminent Président, Charles Garnier, d’être chargé par M. le Ministre des Travaux publics de la mission importante de lui désigner presque officiellement quels sont les intérêts de l’archéologie et de la beauté de Paris qu’il convient de sauvegarder en cette circonstance. J’aime à espérer que M. le Ministre conservera jusqu’au moment de la réalisation pratique du Métropolitain cette sollicitude pour le beau dont il nous a donné un premier témoignage.

C’est toujours dans le même but que nous avons créé un Bulletin, que nous préparons un Guide artistique et archéologique de Paris, publications qui nous offrent les moyens de faire pénétrer partout le goût délicat de la perfection et la lutte contre la tendance à la vulgarité. Nous avons pensé que faire connaître nos monuments, c’est assurer par avance leur sauvegarde ; c’est pourquoi nous avons organisé des promenades qui, en peu de temps, par la qualité et le nombre des assistants, sont devenues des manifestations publiques en faveur de notre thèse. Associer la population à nos discussions, donner une part de responsabilité à l’opinion publique, c’est faire de l’art un objet d’intérêt public, c’est mener de front "l’éducation de la nation et celle des artistes. C’est la tâche que vous avez l’honneur d’assumer aujourd’hui et pour laquelle nous sommes venus vous souhaiter cordialement un succès digne du but que vous poursuivez.

Charles Normand.


M. Le Breton remercie MM. Garnier et Charles Normand de leur présence à la réunion. Puis il déclare que la tâche de la Commission d’initiative est terminée. Les membres de l’assemblée, qui compte toute l’élite de la société rouennaise réunie au grand complet dans la grande salle adhèrent à la nouvelle Société. Ils confirment la Commission d’initiative dans ses pouvoirs, à l’effet d’élaborer les statuts en s’adjoignant cinq autres membres.

Les statuts qui sont les mêmes que ceux de la Société parisienne, sauf de très légères variantes imposées par les conditions locales, furent adoptés dans une nouvelle réunion. Puis on élut un comité dont les membres sont en suivant l’ordre du nombre de voix obtenues :