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par rage et oultre cuydance et sans adjouster advis ne aucune raison. " (Ibid. fol. 20, V° col. 1.)

Ce mot est employé pour dessein dans cet autre passage : " Avoyent advisé de venir sur ceste montaigne et la prendre les premiers, pour avoir l'adventage ; mais ils faillirent à leur advis. " (Froissart, Vol. I, p. 318.) " Le Roy d'Angletterre, qui ne pouvoit conquester la ville de Calais fors par famine, fit charpenter, pour forclorre le pas de la mer, un chastel... Ce fut l'advis qui plus fit de contraire à ceux de Calais, et plus tost les fit affamer. " (Froissart, Vol. I, p. 165 et 166.) Nous employons encore le mot vue, dans cette signification figurée.

De là l'expression Advis appensé, pour dessein prémédité. (Pasq. Rech. Liv. VIII, p. 700.)

Enfin, c'est par analogie à cette dernière acception, que ce mot a signifié disposition, espèce de testament par lequel, en dérogeant à la coutume, on dispose de sa succession, suivant ses desseins, ses vues particulières. " Tous conjoints possédans fiefs ou non, pourront par l'advis et conseil de leurs parens et communs amis, deux de chacun côté pour le moins, faire advis et partage révocable et irrévocable à leurs enfans ou enfans d'enfans, de tous leurs biens immeubles venus et à venir de ligne directe. " (Cout. de Haynault, au nouv. Cout. gén. T. II, p. 67, col. 1.) " Assene ([1]) et advis... est quand un père fait don à ses puînez ou à ses filles pour les avantager. " (Laur. Gloss. du Droit français. - Voyez Bouteill. Som. Rur. tit. XXV, p. 138.)

On trouvera sous l'article ADVISEMENT ci-après, la plupart de ces acceptions figurées, unies à l'acception propre par des rapports semblables à ceux que nous venons d'indiquer.

VARIANTES :

ADVIS. Rom. de la Rose, vers 49, 784 et 955.

AVIR. Parton. de Blois, MS. de St Germ. fol. 163, R° col. 2.

AVIS. G. Guiart, MS. fol. 26, V°. - Id. fol. 320, R°.

Advisager,

verbe. Envisager.

Du mot VISAGE ci-après. (Voy. Contes d'Eutrapel, p. 15. - Et Cotgr. Dict.)

Advisé,

participe. Réfléchi, prémédité. Rédigé. Etalonné. Pourvu.

On lit, au premier sens : " Se aucune personne y souvenoit ([2]) d'adventure, ou de fait advisé... à grant peine povoit-il eschapper la vie sauve. " (Percef. Vol. IV, fol. 109, V° col. 1. - Voy. ADVISER ci-après, réfléchir.)

Rédiger les articles d'un traité, les mettre par écrit, c'est les présenter à la vue ; d'où l'on a pu dire, " propositions faictes pour le bien de la paix, et articles sur ce advisez. " (J. Le Fevre de Saint-Remy, Hist. de Charles VI, p. 35. - Voy. ADVISEMENT ci-après, dans le sens de projet.)

C'est peut-être par allusion à la manière d'éta-


lonner les poids ou mesures, qu'advisé proprement, mis vis-à-vis, s'est dit pour étalonné. " Auront leur poids tous vrays et advisés loyaument, et seront vus par les... visitans et conseillans. " (Ord. T. II, p. 533.) On peut voir ci-dessus ADJOUSTER, mettre auprès, dans le sens propre, employé figurément avec cette signification, par une semblable analogie.

La vertu, les belles qualités se font apercevoir. De là, il semble qu'en transportant à la cause l'idée de l'effet, on se soit servi de l'expression de tous biens avisée, pour désigner une personne pourvue de toute sorte de belles qualités.

Belle et saige est, de tous biens avisée :
En li servir nule riens ne perdrai ;
Car se je muir, ma mort iert savourée,
Et si je vit, en grant honor vivrai.

Anc. Poët. fr. MSS. avant 1300, T. III, p. 1113.

VARIANTES :

ADVISÉ. Ord. T. II, p. 533.

AVISÉ. Anc. Poët. fr. MSS. avant 1300, T. III, p. 1113.

Advisée,

subst. fém. Esprit. Vedette.

Nous disons encore d'un homme qui a l'esprit juste, qui juge bien des choses, qu'il voit bien. De même Advisée ou Advise, vue dans le sens propre, s'est dit au figuré pour esprit, jugement, dans les vers suivans :

Encores voit-on maintenant
Aucuns Chevalliers maintenant,
Qui autrui causes expleidient :
Et, gentil Roys Loys, qu'en dient
Ceus qui en eus ont bonne avise ?
Il dient que c'est convoitise.

Geofr. de Paris, à la suite du R. de Fauvel, MS. du R. n° 6812, fol. 49.

Pour esprit, imagination, dans cet autre passage :

Ne nul ne les peut deviser,
Tant les saiche bien adviser ;
Ne si joingdre par advisées
Qu'il ne les treuve divisées.

Rom. de la Rose, vers 21451.

Enfin, le mot advise, par une espèce de métonymie, paroit avoir signifié Vedette ou Sentinelle, posée en un lieu pour observer, voir ce qui se passe.

.... quant ils vont chevauchier,
L'un court devant, l'autre derrier.
Jâ n'y ert ordonnance mise.
En péril sont li fourragier.
Avant-garde n'y a mestier,
Guet de nuit, escoute, n'avise.
Pour garder l'ost chascun se prise.

Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 80, col. 2.

VARIANTES :

ADVISÉE. Rom. de la Rose, vers 21451.

AVISE. Geofr. de Paris, à la suite du Rom. de Fauvel, MS. du R. n° 6812, fol. 49, R° col. 1.

Adviséement,

adv. En face, en visant. Sagement, prudemment. A dessein.

Du mot ADVIS ci-dessus, vue, visée, l'on a fait Aviséement pour signifier en visant, dans le sens propre.

  1. (1) assignation ; voir Du Cange à Assenamentum, Assenatiio. (n. e.)
  2. (2) survenoit.