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réunie au mot qui la suit, par un abus qui venoit d’ignorance et de méprise. Nous le remarquons ici d’autant plus volontiers, que cet abus peut jeter souvent de la confusion dans la Géographie. On lit par exemple Anevers pour Nevers ; Arevebrac pour Revebrac, etc. Cet abus paroit être né de ce que l’on a confondu la préposition avec le nom même qu’elle précédoit ; ainsi dans l’expression aller en Arevebrac on n’a fait qu’un mot du nom de Revebrac et de sa préposition, et l’on s’est cru obligé d’en ajouter une autre. « S’esmeut le Roy pour aler à l’encontre de son pere en ung lieu qui a nom Engelhan. D’illec ala jusques en Arevebrac. » (Voy. Chron. St Den. Tom. I, fol. 154.) Il falloit dire jusques à Revebrac. Le nom de Revebrac est lui-même la corruption de Regenesburg, que nous nommons Ratisbonne. (Voy. les passages indiqués aux mots Reganesburg, Regenesburg, etc. dans les Tables géograph. de la Collect. des Hist. de Fr. Tom. V et suivants.)

L’on a de même prononcé comme un seul mot Anevers au lieu de à Nevers.

.... de la vostre Conté
D’Anevers ne fetes plus conte.

H. de Fr. en vers, à la s. de Fauvel, MS. du R. no 6812, fol. 78, V° col. 1.

Nous aurons par la suite occasion de faire la même remarque sur la préposition En.

A, adv. Là.

A pour , étoit quelquefois adverbe de lieu, comme dans ce passage.

Ramambranche d’amors me fait chanter :
Ne n’est pas l’oquoison[1]
A u rien m’ais[2] ;
Mais haus vouloir sans espoir d’aciever[3].

Anc. Poës. fr. ms. du Vat. no 1490, fol. 32, R°.

Dans le mot aans, composé d’a et ans, il est aussi adverbe de lieu, et signifie là-dans, dedans. (Voy. Fabl. ms. du R. no 7615, fol. 115, V° col. 2.)

Aaisans, adj. Commode.

C’est proprement le participe actif du verbe Aaiser, pris dans le sens de mettre à l’aise. (Voy, Aiser ci-après.)

Li chemins est biaus et plesans,
Delitable et aaisans.

Fabl. ms. du R. no 7218, fol. 309, V° col. 2.

Aatie, subst. masc. et fem. Ardeur, empressement, effort. Querelle, dispute, combat. Jalousie, animosité.

Le premier sens paroît le sens propre ; il en reste encore des vestiges, ainsi que du mot même, dans notre mot subsistant hâte. On trouve dans nos anciens Poëtes, le mot Ahatine pour ardeur, effort. « Recommence l’assault par si grant Ahatine. » (Monstr. Vol. III, fol. 67. V°.) Voy. Aatisson.

Ist[4] de la tente par mal grand aatie.

Rom. d’Aubery, MS. cité par Du Cange, Gloss. Lat. au mot Bliaudus.

Mais il est plus souvent employé dans le sens de querelle, dispute, combat, qui est une extension du sens primitif.

Et cascuns partist sa partie.
A son plaisir, sans aatie.

Phil. Mousk. MS. p. 704.

Et li manda que boinement
Presist[5]et mandast parlement
Al Duc Ricart de Normendie,
Pour desfaire cele aatie
De son neveu et de son pere.

id. p. 382.

Metroit entre vos deus atine.

Ovide de Arte, MS. de St. G. fol. 94, R° col 3.

Quarante Chevaliers
Etoient en la atine[6].

Percef. Vol. III, fol. 132, R° col 2.

Enfin l’on trouve aatie pour jalousie, animosité ; idées voisines de dispute.

.... pas ne vos refus,
Cest repons sans aatie.

Anc. Poët. Fr. MSS, avant 1300, T. II, p. 803.

Tant a duré leur escremie[7].
Per orgueil et per aatie
Qu’il on tourné le jeu à ire.

Rom. du Brut, MS. fol. 33, V° col. 1.

Voy. Atainement ci-après.

VARIANTES :

AATIE. Rom. du Brut. MS. f. 33, v. c. 1. - Ph. Mousk. MS. pp. 382 et 704.
AATHIE. Modus et Racio. MS. fol. 304, R°.
AATINE. Phil. Mousk. MS. p. 682 et passim. - Anc. Poës. Fr. MS. du Vat. no 1490. - Athis MS. fol. 93, R° col. 2.
AHATIE. Chans. MSS. du C. Thib. p. 53.
AHATINE. Monstr. vol. III. fol. 67, V°.
AHATIVE. Triom. des neuf Preux, p. 265, col. 2.
ASTINE. Borel et Corn. Dict.
ATAINE. Laur. Gl  du Dr. fr. - Du Chesne, annot. sur Al. Chart. p. 858. - Gloss. du Rom. de la Rose.
ATAYNE. Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 500, col 2.
ATHAINE. Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 389, col. 1.
ATHINE. Athis, MS. fol. 93, R° col. 2.
ATIE. Ph. Mousk. MS. p. 241. - Hist. des 3 Maries, en vers, MS. p. 247.
ATINE. Percef. vol. II, fol. 132, R° col. 2.
ATTAINE. Chron. S. Den. t. I, fol. 259, V°. - Froiss. vol. III, p. 311.
ATTAYNE. Chron. S. Den. t. I, fol. 227, V°.
ATTINE. Froiss. Vol. IV, p. 21.
HATIE. Al. Chart. Poë. p. 628.
TAINE. Borel, Dict. au mot Ataine.

Aatir, verbe. Hâter, presser. Disputer, combattre. Provoquer, défier. Courroucer, irriter. Comparer. Préférer. Avancer, mettre en avant, proposer. Arranger, disposer.

Aatir, qu’on a écrit aussi Ahatir, a pu s’être formé de Aha, aspiration d’effort et de hâte ; comme Ahaner qu’on verra ci-après, peiner, fatiguer, labourer, s’est formé d’ahan exclamation de plainte et de travail. Le premier sens qu’offre ce mot, paroit être le sens primitif ; il s’est conservé dans

  1. Raison, sujet.
  2. aide, profite.
  3. Venir à bout, obtenir.
  4. sort.
  5. prist.
  6. dans la meslée.
  7. débat.