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La signification propre et figurée du participe ouvert, qui subsiste, n’est pas moins ancienne dans notre langue que celle d’aouvert. On écrivoit indifféremment aouvert et ouvert. " Li livre seront aouvert... et il seront ouvert au jour du Jugement. " (Lucidaires, MS. du R. n° 7989, fol. 237, V° col. 1, etc. - Voy. OUVERT ci-après.)

On a dit figurément, 1° en parlant d’une chose faite ouvertement, à découvert, publiquement, etc. qu’elle étoit faite en awert. (Voy. St Bern. Serm. fr. MSS. page 354.)

2° En parlant d’une personne dont le coeur s’ouvroit à la joie de faire son devoir, qu’elle le faisoit de cuer aouvert :

Grant travail et grant paine ; mais de cuer aouvert
Le prent pour Dieu en gré et loiaument le sert.

Berte as grans piés, MS. de Gaignat, fol. 125, V° col. 2.

3° En parlant d’une personne dont l’esprit n’a d’ouverture que pour le mal, qu’elle étoit aouverte à mal aprendre. (Voy. Fabl. MS. du R. n° 7615, T. I, fol. 119, R° col. 1.)

On ne connoît certaines choses, elles ne deviennent évidentes, claires, manifestes, etc. que lorsqu’elles sont ouvertes, découvertes, dévoilées, éclaircies, expliquées, etc. " Sunt conuit si cum cil qui awert sunt. " (St Bern. Serm. fr. MSS. p. 26. - Voy. id. ibid. passim.)

De là, le participe awert ou aouvert a pu signifier connu. " Li jor venrat ke li secret del cuer seront awert. " (Id. ibid. p. 34.)

Il semble que par l’expression, de tous bien aouverte, on ait désigné une personne avantageusement connue par des actions qui découvrent en elle le principe intérieur et caché d’une vertu bienfaisante et aimable.

Comment a Diex tel gent si longuement souferte ?
Blancheflour, qui est moult de tous bien aouverte,
Les geta de servage et de toute poverté.

Berte as grans piés, MS. de Gaignat, fol. 133, V° col. 1.

(Voy. AOUVRIR ci-dessous.)

VARIANTES :

AOUVERT. G. Guiart, MS. fol. 100, V°.
AOVERT. Fabl. MS. du R. n° 7615, T. I, fol. 111, V° col. 1.
AWERS (plur.) St Bern. Serm. fr. MSS. p. 179.
AWERT. Id. ibid. p. 13, 19, 26, passim.

Aouvertement, adv. Ouvertement, clairement, manifestement. Significations analogues à celles du participe aouvert. On disoit figurément : " Ci puetom avertement entendre etc. " (St Bern. Serm. fr. MSS. page 214.) " Vos donrat... un signe où li poosteiz et li chariteis serat awertement apparanz. " (Id. ibid. p. 16.)

Dex, quel male aventure ! com est durs li hom
Q’ainsi à oeil ouvert vait à perdition,
Qui tant a de savoir, qui bien et mal entent,
Et contre Dieu s’esdrèce tout aouvertement.

Vie de Ste Thaysies, MS. de Sorb. chiff. XXVII, col. 2.

(Voy. APERTEMENT ci-dessous.)

VARIANTES :

AOUVERTEMENT. Vie de Ste Thaysies, MS. de Sorbonne, chif. XXVII, col. 2.
AVERTEMENT. St Bern. Serm. fr. MSS. p. 214.
AWERTEMENT. Id. ibid. p. 9, 14, 22, passim.

Aouvré, partic. Mis en oeuvre. Occupé à faire une chose.

... Onc n’estoit huiseus trovez,
Mès traveillez et aouvrez
De messoner et de soier .
<poem>

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 248, V° col. 2.


En parlant d’une chose dont on espéroit faire bon usage, on disoit qu’elle seroit bien aovrée.

<poem>Une fort lance a recovrée
Que jà sera bien aovrée.

Athis, MS. fol. 101, V° col. 2 ; Var. du MS. du Roi.

(Voy. AOUVRER ci-dessous.)

VARIANTES :

AOUVRÉ. Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 248, V° col. 2.
AOVRÉ. Athis, MS. fol. 101, V° col. 2 ; var. du MS. du Roi.

Aouvrer, verbe. Mettre en oeuvre, à l’ouvrage ; occuper à faire une chose, l’ordonner. Opérer, faire, agir. Dans le premier sens, on a dit que sans la grâce, l’homme seroit trop aouvré, parce qu’il ne pourroit faire ce que Dieu lui ordonne.

Se Diex sa grace n’i répont,
Par soi sera trop aouvrez, etc.

Miserere du Rec. de Moliens, MS. de Gaignat, fol. 211, R° col. 3.

L’Écriture nous aoevre, parce que nous y lisons ce qui nous est ordonné de faire.

... Se nous faisons la soie oevre
Comme Escripture nous aoevre, etc.

Dits et Moral. MS. de Gaignat, fol. 287, V° col. 3.

On a dit en parlant d’un cheval que tous les jours on occupoit à un ouvrage fatigant, qu’il étoit bien aouvré :

Est chascun jor bien aouvrés :
Il seroit bientost recouvrez,
S’il ne fesoit oevre grevaine ;
S’eust du fuerre et de l’avaine.

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 249, R° col. 1.

S’aouvrer d’une chose, s’en aouvrer, ou simplement s’aouvrer, signifioit s’occuper à faire une chose, s’en occuper, s’occuper.

... Je sui moult très-bons ovriers ;
Dont je me puis bien recovrer,
Si je m’en voloie aovrer.

Fabl. MS. de Berne, n° 354, fol. 66, V° col. 2.

Ypocrisie est en grant bruit :
Tant a ouvré,
Tant se sont li sien aouvré,
Que par engin ont recouvré
Grant part el monde.

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 314, V° col. 1.

La signification du verbe composé aouvrer étoit quelquefois la même que celle du verbe simple ouvrer, en latin operari. (Voy. Psautier, MS. du R.


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