Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/177

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lui parlez, vous savez qu'il vous aime ; votre coeur, dites vous, est changé, mais votre procédé ne l'est point ; enfin, madame, rien ne peut me rassurer, si ce n'est que vous travailliez à l'éloigner ; et tant qu'il me paraîtra que vous ne le voudrez pas, je croirai que vous ne vous contraignez guère quand vous lui dites que vous l'aimez.

— Eh bien ! dit alors Nugna Bella, j'ai déjà fait assez de trahisons pour l'amour de vous, il faut encore faire celle ci mais, donnez m'en les moyens ; car le prince refuse tous les jours au roi l'éloignement de Consalve, et il n'y a pas d'apparence qu'il l'accorde à une prière aussi déraisonnable que la mienne.

— Je me charge, dit don Ramire d'en faire la proposition au prince, et pourvu que vous lui fassiez voir que vous y consentez, je suis assuré de l'obtenir. Nugna Bella le lui promit, et, dès ce soir, don Ramire, sur le prétexte de leurs intérêts communs, proposa au prince de m'éloigner et de s'en faire un mérite auprès du roi. Le prince n'eut point de peine à y consentir ; il avait une si grande honte de tout ce qu'il faisait contre moi que ma présence lui était un continuel reproche de sa faiblesse. Nugna Bella lui parla comme elle l'avait promis à don Ramire. Ils résolurent qu'à la première occasion, le prince ferait dire au roi qu'il ne s'opposait plus à mon exil, et qu'il voulait bien qu'on m'éloignât de la cour, pourvu qu'il parût à tout le monde que c'était contre son consentement.

Cette occasion se trouva bientôt. Le roi se mit en colère contre son fils pour quelque chose qu'il avait fait sans son ordre et dont il m'accusait d'avoir donné le conseil. Le prince, n'osant aller chez le roi, fit