Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/381

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m'aviez dit la vérité dans le bois d'Oropèze, lorsque vous m'apprîtes que son coeur avait été touché; je ne le crus que trop, quoique je vous dis[se] d'abord que je ne le croyais pas : je venais de vous quitter et je n'étais rempli que de l'idée de cet heureux Espagnol quand je rencontrai Consalve. Sa ressemblance avec le portrait que j'avais vu et ce que vous veniez de me dire, me frappa d'abord, et je ne balançai point à croire qu'il ne fût celui dont vous m'aviez parlé. Je lui fis connaître que j'étais Alamir ; il m'attaqua avec l'animosité d'un homme qui savait que j'étais son rival. J'ai su depuis que je ne m'étais pas trompé en le croyant celui qui avait su plaire à Zayde. Il mérite de toucher son coeur ; j'envie son bonheur sans l'en trouver indigne. Je meurs accablé de mes malheurs sans en murmurer, et, si j'osais, je me plaindrais seulement de l'inhumanité de Zayde, d'avoir privé de sa vue un homme qui la va perdre pour jamais. On peut juger de combien de douleurs mortelles les paroles d'Alamir percèrent le coeur de Félime. Elle voulut parler deux ou trois fois, mais ses sanglots et ses larmes lui empêchèrent la parole ; enfin, avec une voix entrecoupée de soupirs et emportée par une tendresse qu'elle ne put retenir :

— Croyez, lui dit-elle, que, si j'avais été à la place de Zayde, nul autre n'aurait été préféré au prince de Tharse. Malgré sa douleur, elle sentit la force de ses paroles et elle tourna la tête pour cacher l'abondance de ses larmes et pour éviter les yeux d'Alamir.

— Hélas ! madame, reprit ce prince mourant, serait-il possible que ce que vous me laissez voir fût véritable ? Je vous avoue que, le jour que je vous parlai dans le