Page:La Revue blanche, t29, 1902.djvu/17

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peuples pour les vieux parents du soldat qu’ils envoient mourir en campagne.

C’est autant que le bureau de tabac pour la veuve du commandant.

Et ceux qui donnent cette leçon de la main largement ouverte pour une joie de leur goût, pour une œuvre de fraternité, ne disposent d’aucun budget et rationnent leur repas du soir. Tandis que les gouvernements, tandis que les capitalistes, qui par paquets lancent des hommes aux hécatombes coloniales, déclinent toutes responsabilités envers les parents de leurs morts, on peut voir de simples artisans, par le seul fait d’une idée, assumer délibérément les charges laissées par l’un d’eux, qui partit sans que nul ne l’y poussât.

Un révolté en mourant sera moins inquiet pour les siens que le militaire patriote — s’il est pauvre et n’a que sa patrie !


La compagne du régicide est une forte femme de trente ans, au front découvert, aux grands yeux pas très expressifs, au sourire comme étonné. Fille d’Irlandais, née en Amérique, elle ne connaît pas le français et sait à peine quelques mots d’italien. Bresci, lui, ne savait pas l’anglais, ou si peu. Et, sans appuyer, on discerne que si ces deux êtres pouvaient s’entendre c’est qu’ils ne causaient pas beaucoup.

Deux bébés jouent devant la porte ; Madeleine à l’air décidé,