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LOUISE LABÉ


Mais meintenant que sa fureur diuine
Remplit d’ardeur ma hardie poitrine,
Chanter me fait, non les bruians tonnerres
De Iupiter, ou les cruelles guerres,
Dont trouble Mars, quand il veut, l’Uniuers.
Il m’a donné la lyre, qui les vers
Souloit chanter de l’Amour Lesbienne ;
Et à ce coup pleurera de la mienne.
Ô dous archet, adouci moy la voix,
Qui pourroit feindre et aigrir quelquefois,
En recitant tant d’ennuis et douleurs.
Tant de despits, fortunes et malheurs.
Trempe l’ardeur, dont iadis mon cœur tendre
Fut en brulant demi reduit en cendre.
Ie sen déſia un piteus souvenir,
Qui me contreint la larme à l’œil venir.
Il m’est avis que ie sen les alarmes,
Que premiers i’u d’Amour, ie voy les armes,
Dont il s’arma en venant m’assaillir.
C’estoit mes yeus, dont tant faisois saillir
De traits, à ceus qui trop me regardoient,
Et de mon arc assez ne se gardoient,