Page:Laboulaye - Quelques réflexions sur l’enseignement du droit en France.djvu/36

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sans le consulter, sans vous inquiéter de la nature de son esprit, de son degré de culture, de ses inclinations scientifiques, pourquoi voulez-vous qu’il se passionne pour des études qu’il n’a pas choisies ? Si le maître que le hasard lui donne est un de ces hommes rares qui savent communiquer le feu sacré aux natures les plus froides ; si, par une seconde chance non moins favorable, sa méthode est celle qui convient au génie de l’élève, alors ce dernier travaillera sans doute mais si le professeur (sans cesser d’être un homme de talent), n’a point le secret d’exciter l’attention de ses auditeurs ; s’il n’y a aucune sympathie entre lui et les jeunes gens qui l’écoutent ; si en un mot, il les ennuie, que voulez-vous que fasse l’étudiant, lié malgré lui à un maître qu’il n’a pas choisi ? Contrarié dans ses dispositions naturelles pourquoi voulez-vous qu’il se fatigue à comprendre des idées qui lui semblent mal exposées ? S’il est studieux, il préférera un bon livre à des leçons qui ne lui plaisent pas paresseux ; et découragé. il se mettra au travail à la veille de l’examen dans les deux cas, tout le mérite de l’enseignement oral est perdu.

Ainsi le régime de contrainte aura produit des effets diamétralement opposés à ceux qu’on en espérait. Vous avez cru qu’on pouvait d’autorité intéresser l’élève a la science, vous ne l’avez intéressé qu’à l’examen. C’est de la science la seule chose qui le concerne, et de l’étude il ne connatt que les ennuis. Vous avez cru tout au moins le forcer à être attentif, en l’amenant malgré lui devant la chaire du professeur, vous n’avez pas même obtenu ce résultat. Présent de sa personne, son esprit est absent régenté comme un écolier, il considère le droit comme un écolier le latin pourvu qu’il sache sa leçon au jour donné, qu’importe le reste ? Répondre a l’appel, se préparer a l’examen le passer tant bien que mal telle est l’occupation des trois plus belles années de la vie ; puis. ces trois années aussi bien remplies, on sort victorieusement de la Faculté aussi étranger a la science qu’au professeur. Est-ce là une fiction, ou l’histoire de la plupart des étudiants ? j’en fais juges ceux qui ont passé par l’école du droit.