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blissement du royaume, on déclare ingénument qu’il est inutile d’établir une chaire spéciale de législation criminelle (chaire réclamée par toutes les autres Facultés sans exception)[1], parce que le professeur de procédure trouve le temps de donner à la hâte quelques notions de droit pénal, sans embrasser les théorie élevées du criminaliste qui demande compte à la société du droit qu’elle exerce sur la vie ou la liberté de ses membres[2] ? En d’autres termes, il y a à l’École de Paris, au dix-neuvième siècle, des professeurs, des savants qui s’imaginent qu’on peut faire aujourd’hui un cours de droit criminel sans prononcer le nom de Beccaria, de Kant, de Romagnosi, de Rossi, de Niccolini, et qui trouvent singulier qu’on veuille offrir à l’esprit des étudiants autre chose qu’une glose insignifiante sur cent articles du Code pénal ; aveugles, qui ne s’aperçoivent pas qu’ils font ainsi la plus sanglante satire du système qu’ils croient défendre par de semblables raisons[3] !

Pour retarder une réforme nécessaire, la Faculté fait grand bruit de l’encombrement de l’enseignement ; mais en vérité rien de plus faible que cette objection. Les élèves en droit suivent en moyenne trois cours par année ce n’est pas deux heures de leçon par jour. Il n’y a point d’étudiant en Allemagne qui ne consacre au moins le double de temps aux mêmes occupations, il n’y a point d’enfant dans un collège qui ne travaille quatre heures avec le professeur, sans que sa santé ni son esprit souf-

  1. . Les idées émises sur ce point par la Faculté de Strasbourg, sont des plus remarquables.
  2. Rapport, p. 57.
  3. Dans la plupart des Universités d’Allemagne, à Berlin, à Breslau, à Iéna, à Leipsig, etc., l’enseignement du droit criminel est l’objet de deux cours distincts : droit criminel, procédure criminelle, accompagnée d’un practicum ou exercices pratiques sur l’instruction et le jugement des procès criminels. Chacun de ces cours dure un semestre à quatre leçons par semaine. À vingt semaines de travail utile, cela fait cent soixante heures de leçons. À Heidelberg, M. Mittermaïer consacre à cet enseignement onze à douze heures par semaine, soit deux cent vingt à deux cent quarante heures par semestre. À Paris, on prétend y consacrer, et très-suffisamment, un semestre à trois heures de leçon par semaine ; c’est à peu près soixante heures.