Page:Laclos - De l’éducation des femmes, éd. Champion, 1903.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

colère, si des larmes d’indignation s’échapent de vos yeux, si vous brûlez du noble désir de ressaisir vos avantages, de rentrer dans la plénitude de votre être, ne vous laissez plus abuser par de trompeuses promesses, n’attendez point les secours des hommes auteurs de vos maux : ils n’ont ny la volonté, ny la puissance de les finir, et comment pourroient-ils vouloir former des femmes devant lesquelles ils seroient forcés de rougir ; apprenez qu’on ne sort de l’esclavage ; que par une grande révolution. Cette révolution est-elle possible ? C’est à vous seules à le dire puisqu’elle dépend de votre courage en elle vraisemblable. Je me tais sur cette question ; mais jusqu’à ce qu’elle soit arrivée, et tant que les hommes régleront votre sort, je serai authorisé à dire, et il me sera facile de prouver qu’il n’est aucun moyen de perfectionner l’éducation des femmes.

Partout où il y a esclavage, il ne peut y avoir éducation : dans toute société, les femmes sont esclaves ; donc la femme sociale n’est pas susceptible d’éducation. Si les principes de ce syllogisme sont prouvés, on ne pourra nier la conséquence. Or, que partout où il y a esclavage il ne puisse y avoir éducation, c’est une suite naturelle de la définition de ce mot ; c’est le propre de l’éducation de développer les facultés, le propre de l’esclavage c’est de les étoufer ; c’est le propre de l’éducation de diriger les facultés développées vers l’utilité sociale, le propre de l’esclavage est de rendre l’esclave ennemi de la société. Si ces principes certains pouvoient laisser quelques doutes, il suffit pour les lever de les appliquer à la li-