Page:Laclos - De l’éducation des femmes, éd. Champion, 1903.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il est au moins dangereux à l’autre de l’en frustrer. Heureuse société dont la base est un bienfait réciproque. Aussi, la mère ne veut-elle jamais abandonner son enfant ; dans ses courses, que nécessite le besoin de sa nourriture, elle le porte entre ses bras ; dans ses moments de repos, elle joûe avec lui et lui fait exercer ses forces naissantes ; s’il survient un danger, elle cache son enfant, elle s’expose seulle et revient à lui le plutôt possible : pareillement l’enfant ne scauroit rester loin de sa mère ; s’il ne la voit plus auprès de lui, il pleure, il s’agite ; lui est-elle rendûe ? il est tranquille, ses mains encore foibles cherchent à s’étendre vers elle, son sourire enfantin décèle sa joie, et cette joie retentit dans le cœur de sa mère. Nous le demandons maintenant, malgré l’appareil fastueux des accoucheurs, des gardes, des nourrices, des gouvernantes, lequel du fils d’un prince ou de cet enfant sauvage, lequel des deux est abandonné en naissant[1] ?

  1. S’il se trouvoit quelqu’un, qui voulût douter qu’une femme, nouvellement accouchée, eût la force nécessaire pour remplir facilement les soins indispensables de la maternité, nous le renvoyons aux négresses de nos colonies qui, peu d’heures après l’enfantement, vont elles-mêmes laver leurs enfants ; aux vivandières de nos armées, qui accouchent pendant une marche, emmaillotent leur enfant à la hâte, et continuent de conduire devant elles le mulet qui porte leurs provisions, et peu de jours après reprennent les travaux pénibles auxquels elles sont assujéties ; aux femmes du pauvre artisan, qui, bien plus près de nos mœurs, ne laissent pas, pendant la cérémonie du baptême, de se lever, de nettoïer leur chambre et préparer la collation, puis se recouchent pour être malades, à l’imitation de nos dames. Notes de Ch. de L.