Page:Laclos - De l’éducation des femmes, éd. Champion, 1903.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur survit ; celle de la femme naturel naît et meurt avec eux ; rage des plaisirs passé, elle n’est plus qu’un enfant mieux instruit ; tranquille, elle n’a pas besoin de se repaître d’illusions ; elle pourra vieillir, sans être joueuse, médisante ou dévote. À ces avantages, dont on sentira facilement le prix, la femme naturelle en joint un plus précieux encor, dont quelquefois l’homme social se vante sans en jouir, et dont elle jouit sans s’en vanter : elle ne craint pas la mort. Ce moment, si redouté, n’existe pas pour elle ; elle n’en a point d’idée, son dernier moment est aussi serein que tous les autres ; elle finit plutôt qu’elle ne meure, mais elle se laisse aller sans se défendre ; si elle a l’agonie du corps, elle n’a pas celle de l’esprit ; elle est exempte des terreurs de tout genre, qui, parmi nous, ne cessent d’assiéger le mourant. Nous remarquerons, à ce sujet, que ce n’est pas un des moindres avantages de l’homme et de la femme naturels, d’être délivrés de la crainte de prévoiance ; sans doute ils seront effraiés, quelquefois, mais, au moins, il n’auront à combatre ou à fuir que le danger présent, et non les phantomes de leur imagination. Cet avantage est peut-être inestimable, surtout pour les femmes, que nous voïons, tous les jours, tourmentées par mille craintes, qui, pour être puériles, ne leur sont pas moins pénibles ; pareillement, dans leurs maladies, ils ne souffriront que de leurs douleurs ; ils n’auront ny impatience ny inquiétude ; c’est chez eux qu’il faut chercher une résignation parfaite ; au reste ils auront peut-être des accidents, mais leurs maladies seront rares, et qui les leur causeroient ? ils n’ont ny passions, ny cuisiniers, ny médecins.