Page:Laclos - De l’éducation des femmes, éd. Champion, 1903.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

primer ? L’animal le plus farouche a ses pensées et son expression.

« Il seroit à charge à lui-même. »

Nous ne voyons pas pourquoi.

« Il ne parviendroit qu’à se métamorphoser en bête. »

Pour la plupart, cette métamorphose ne seroit pas difficile.

M. Rousseau avoit dit[1] : « Il n’est pas naturel qu’un homme s’attache à une femme pendant les 9 mois de sa grossesse ; l’appétit satisfait, l’homme n’a plus besoin de telle femme, ny la femme de tel homme ; celui-cy n’a pas le moindre soucy ni peut-être la moindre idée des suittes de son action ; l’un s’en va d’un côté, l’autre de l’autre et il n’y a pas d’apparence qu’au bout de 9 mois ils aient la mémoire de s’être connûs. Pourquoi la secourera t’il après l’accouchement, pourquoi lui aidera t’il à élever un enfant qu’il ne scait pas seulement lui appartenir ? »

« Tout cela est exécrable » (s’écrie M. de Voltaire), mais pourquoi ? Les animaux qui en usent ainsi sont-ils exécrables ? « Mais (continüe-t-il) heureusement rien n’est plus faux. » Voïons comment il le prouve.

« Si cette indifférence étoit le véritable instinct de la nature, l’espèce humaine en auroit presque toujours usé. Ainsi l’instinct est immuable, ses inconstances sont très rares, le père auroit toujours abandonné la mère, la mère auroit abandonné son enfant, et il y auroit

  1. Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes.
    Note de Ch. de L.