Page:Laclos - De l’éducation des femmes, éd. Champion, 1903.djvu/75

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proprioit le plus facilement les différentes nourritures. Il en tire cette conséquence que, dans notre supposition, il y auroit moins d’hommes sur la terre que d’animaux carnassiers.

Quand cela seroit, ce ne seroit pas une raison suffisante pour détruire un sistème qui seroit vrai d’ailleurs, mais cette supposition nous paroit absolument gratuite.

« Les hommes les plus durs (poursuit M. de Voltaire) aiment par un instinct dominant l’enfant qui n’est pas encore né, le ventre qui le porte, et la mère qui redouble d’amour pour celui dont elle a reçu dans son sein le germe d’un être semblable à elle. »

Nous convenons que les enfants sont un lien de plus pour les époux réunis dans l’état social, et nous aurons occasion par la suitte d’en dire les raisons ; mais nous avons quelque peine à comprendre comment les hommes (durs ou non) peuvent aimer par un instinct dominant l’enfant qu’ils ne sçavent pas devoir naitre, le ventre qu’ils ignorent le porter, ny comment la mère redouble d’amour pour celui dont elle ne se doute pas d’avoir reçu dans son sein le germe d’un être semblable à elle.

« L’instinct du charbonnier de la forêt noire leur parle aussi haut, les anime aussi fortement, en faveur de leurs enfants, que l’instinct des pigeons et des rossignols les force à nourrir leurs petits. »

Nous convenons de tout cela ; mais les pigeons et les rossignols abandonnent leurs petits, sitôt qu’ils peuvent se passer d’eux.