Page:Laclos - De l’éducation des femmes, éd. Champion, 1903.djvu/85

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la beauté sans s’en occuper ; alors il s’en occupa quelquefois même sans en jouir. Il sentit que, dans la jouissance, son plaisir n’étoit pas toujours également vif ; mille causes pouvoient concourir à cette inégalité ; il négligea celles qui étoient en lui, que même il ne pouvoit connoître ; il les chercha donc toutes dans les objets étrangers. La femme qui lui avoit procuré le plaisir le plus vif lui devint plus précieuse ; il la chercha de nouveau, il choisit à son deffaut celle qui lui ressembloit davantage ; il dut se tromper quelquefois ; mais enfin, il examina, il connut ou crut connoître, il s’accoutuma à préférer, il s’apperçut enfin qu’une peau douce et fine, tendüe sur une chair ferme et élastique, appanage exclusif de la fraîcheur, suitte ordinaire de la jeunesse, lui procuroit un toucher plus agréable, en le faisant reposer plus doucement ; il désira la fraîcheur. Il s’appercut qu’une grande femme multiplioit ses sensations en le touchant par plus de points ; il désira une taille avantageuse. Il s’appercut qu’il ne lui suffisoit pas d’embrasser étroitement l’objet de sa jouissance, s’il n’éprouvoit à son tour une étreinte délicieuse ; il désira la force. Il rechercha donc la femme qui possédoit ces différents avantages : ainsi la fraîcheur, la taille et la force devinrent des motifs de préférence ; ainsi leur réunion constitua la beauté : nous pouvons la nommer beauté naturelle[1]. Que si

  1. Depuis que les femmes, pour multiplier leurs plaisirs, ont eu l’adresse d’intéresser la vanité des hommes à se trouver plus forts qu’elles, ils ont souvent préféré l’apparence de la foiblesse et ont négligé la taille et la force. Quelquefois encor une curio-