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humain. Mais bien qu’il eût remporté une facile victoire, honorée par la soumission réelle de son adversaire et par un rare exemple de réconciliation, néanmoins le mal avait poursuivi son cours. Il est difficile, dans tous les temps, de résister à de certaines impulsions dont la force vient de loin et de haut. L’époque grecque était restée dans la mémoire des gens instruits comme le point le plus élevé où le génie de l’homme eût atteint. Le Christianisme n’avait pas eu le loisir de créer une littérature qui fût comparable à celle-là, ni de se faire une philosophie et une science propres. Le germe en existait sans doute dans les écrits des Pères de l’Eglise; mais il était beaucoup plus commode d’accepter un corps philosophique et scientifique tout fait. On accepta donc Aristote comme le représentant de la sagesse. Malheureusement Aristote et l’Évangile n’étaient pas toujours d’accord de là trois partis. L’un sacrifiait le philosophe à Jésus-Christ, selon cette parole: Vous n’avez qu’un seul maître, qui est.le Christ(1). L’autre sacrifiait Jésus-Christ au philosophe, sur ce fondement que la raison étant la lumière première de l’homme, elle devait conserver partout la primauté. Le troisième admettait qu’il y avait deux ordres de vérité, l’ordre de raison, et l’ordre de foi, et que ce qui était vrai dans l’un pouvait être faux dans l’autre.

En résumé, le schisme et l’hérésie, favorisés par

(1) Saint Matthieu, XXIII, 10.