Page:Lacordaire - Œuvres du R.P. Henri-Dominique Lacordaire, tome 1 - Vie de Saint-Dominique.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— 30 —


connus qu’il traverse. Ainsi la Providence, en laissant dans l’ombre du passé la jeunesse de son serviteur Dominique, a voulu cependant que l’histoire en sauvât quelques traits, révélations incomplètes, mais touchantes, d’une âme où la pureté, la grâce, l’intelligence, la vérité et toutes les vertus étaient l’effet d’un amour de Dieu et des hommes mûr avant le temps.

Dominique touchait à sa vingt-cinquième année sans que Dieu lui eût encore manifesté ce qu’il souhaitait de lui. Pour l’homme du monde, la vie n’est qu’un espace à franchir le plus lentement possible par le chemin le plus doux, mais le chrétien ne la considère point ainsi. Il sait que tout homme est vicaire de Jésus-Christ pour travailler par le sacrifice de soi-même à la rédemption de l’humanité, et que, dans le plan de cette grande œuvre, chacun a une place éternellement marquée qu’il est libre d’accepter ou de refuser. Il sait que s’il déserte volontairement cette place que la Providence lui offrait dans la milice des créatures utiles, elle sera transportée à un meilleur que lui, et lui abandonné à sa propre direction dans la voie large et courte de l’égoïsme. Ces pensées occupent le chrétien à qui sa prédestination n’est pas encore révélée, et, convaincu que le plus sûr moyen de la connaître, est de désirer l’accomplir, quelle qu’elle soit, il se tient prêt pour tout ce que Dieu voudra. II ne méprise aucune des fonctions nécessaires à la république chrétienne, parce qu’en toutes peuvent se rencon-