Page:Lacordaire - Œuvres du R.P. Henri-Dominique Lacordaire, tome 2 - Conférences de Notre-Dame de Paris.djvu/78

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il fallait un siège à cette suprématie ; il fallait planter quelque part la chaire de saint Pierre ; il fallait trouver un lieu où elle demeurât en pleine indépendance. Quel sera ce lieu ? Entre la mer Tyrrhénienne et les sommets noircis des Apennins, autour de quelques collines, une poignée de brigands avaient construit leurs cabanes. En creusant les fondements de leurs premiers remparts, ils avaient trouvé une tête sanglante, et l’oracle avait affirmé que cette ville serait la tête de l’univers. En effet, si cette poignée de brigands eussent possédé des cartes de géographie, et que, prenant un compas, ils l’eussent ouvert à trois ou quatre cents lieues de rayon, ils eussent vu qu’ils étaient le centre d’une foule de peuples d’Europe, d’Asie et d’Afrique, de tous ceux dont les extrémités sont baignées par les flots de la Méditerranée. Mais, au lieu d’un compas, ils étendirent leur main de fer autour d’eux et commencèrent un empire qui devait avoir pour bornes l’Océan, le Rhin, l’Euphrate et l’Atlas. Et, au bout de sept cents ans, après avoir détruit la nationalité de tous leurs voisins, gorgés de sang, de dépouilles, de gloire et d’orgueil, ces brigands, devenus la première nation de l’univers, avaient déposé leur fière république entre les mains d’un seul maître… et ce maître vivait quand saint Pierre délibérait en quel lieu du monde il irait fixer son siège apostolique. Le croiriez-vous, Messieurs, ce fut sous les yeux de ce maître, dont un regard faisait trembler la terre, ce fut dans sa ville, sur les marches de