Page:Lacordaire - Œuvres du R.P. Henri-Dominique Lacordaire, tome 2 - Conférences de Notre-Dame de Paris.djvu/82

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le christianisme, non-seulement comme religion de la majorité, mais comme venu de Dieu pour le salut des hommes ; il le reconnaît. Il fait plus : par un de ces conseils inexplicables selon le monde, il prend son trône, l’emporte aux extrémités de l’Europe, au bord du Pont-Euxin, afin de laisser à la majesté pontificale toute cette vieille Rome avec sa puissance naturelle et son indicible illustration ; et, cela fait, jamais prince ne siégera plus à Rome. Lorsque Théodose partagera entre ses deux fils l’empire d’Orient et celui d’Occident, c’est à Milan que l’empereur d’Occident règnera, ce ne sera point à Rome. En vain les Hérules et les Ostrogoths voudront-ils établir un nouveau royaume d’Italie, c’est à Ravenne qu’ils en placeront la capitale. En vain les Lombards s’approcheront-ils de Rome ; ce n’est point elle qui sera leur séjour, mais Pavie. Les rois et les empereurs ne passeront plus à Rome que comme des voyageurs.

Toutefois il ne résultait pas encore de là pour la papauté une véritable souveraineté civile. Les papes ne possédaient à Rome, par le fait de la disparition des empereurs, qu’une souveraineté morale, dont ils usèrent avec honneur en se faisant les gardiens de l’Occident contre les barbares. Rome, neuf fois prise d’assaut, fut neuf fois par eux relevée de ses ruines, et on les vit aussi, par l’ascendant de leurs prières et de leur visage, arrêter à ses portes le Fléau de Dieu.

En même temps la suprématie spirituelle se ma-