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[Lect. II.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

4. Seul tu ébranles ce qui est inébranlable ; tu vas étouffant ce qui apporte l’obscurité. En te voyant poursuivre ton œuvre, le Ciel et la Terre, les Montagnes (aériennes) se sont arrêtées comme stupéfaites.

5. (Dieu) que tous les êtres invoquent, tu es le vainqueur de Vritra. Seul, par la force de ton bras, tu donnes la sécurité et la confiance. Ô magnifique Indra, l’immensité du ciel et de la terre dans ta main, ce n’est jamais qu’une simple poignée.

6. Indra, apparais sur la voûte (du ciel) avec tes chevaux azurés ; que ta foudre aille frapper tes ennemis. Tue ceux qui sont et devant et derrière toi ; (tue) ceux qui fuient. Que par toi le bien soit partout ; que (ta puissance) se fasse partout sentir.

7. Le mortel qu’un maître tel que toi favorise reçoit une fortune toute nouvelle pour lui. Ô Indra, toi que tant d’êtres invoquent, ta bonté, provoquée par nos offrandes, devient libérale ; tes dons sont innombrables.

8. Ô Indra, toi que le monde implore, tu as déjà pulvérisé ce Counârou[1], lourd et immobile, privé de bras et accompagné de Dânou[2] (sa mère). Ô Indra, tu as tué par ta force Vritra, dont la grandeur devenait menaçante, et dont les pieds ont été tranchés.

9. Ô Indra, la terre était une masse confuse et mobile ; c’est toi, Indra, qui as étendu son immensité, et qui l’as fixée sur sa base. (Dieu) généreux, tu as consolidé le ciel et l’air. Qu’elles coulent aussi, les ondes qui te doivent leur naissance.

10. Bala laissait flétrir (les plantes)[3], et, retenant les vaches (célestes), se renfermait par crainte de son antique ennemi. Indra, élargissant les voies, a rendu la liberté à ces vaches, et leurs mugissements s’élevèrent avec bruit vers celui que le monde implore.

11. Seul, Indra emplit le Ciel et la Terre, ce couple si opulent. Noble héros, pousse dans les airs tes rapides chevaux, et de ton char laisse tomber sur nous l’abondance.

12. Chaque jour (le dieu) porté sur les chevaux azurés[4] engendre ces régions célestes qu’à son ordre parcourt le Soleil. Dès qu’il a ouvert les voies, aussitôt le Soleil lance ses coursiers. Telle est (l’œuvre) d’Indra.

13. Au moment où la Nuit s’enfuit et que l’Aurore apparaît, le monde veut voir la grande, la magnifique Lumière. Elle arrive avec pompe, et chacun peut alors connaître les œuvres nombreuses et admirables d’Indra.

14. La grande Lumière est sur son trône ; la Vache (céleste)[5] arrive, portant dans ses mamelles un lait abondant. En elle est renfermée toute espèce de douceur. C’est encore là un bienfait d’Indra.

15. Indra, sois fort ; des ennemis ont voulu entraver ta marche. Sois bon pour celui qui te sacrifie, pour celui qui te chante et pour tes amis. Extermine ces mortels atrabilaires, envieux, haineux, qui contre nous s’arment de la flèche.

16. De vils ennemis font entendre leurs cris. Frappe-les de ta foudre brûlante. Coupe à la racine, arrache, brise, tue le Rakchasa, ô Maghavan, et triomphe.

17. Oui, Indra, déracine cet arbre de Rakchasa ; coupe-le par la moitié ; abats-en la cime. Que, surpris et stupéfait, cet impie périsse sous le coup de ton arme rapide.

18. Maître du monde, sois notre bienfaiteur ; que tes chevaux t’amènent à nos abondantes libations, et (pour nous récompenser) rends-nous possesseurs d’une large fortune. Indra, que Bhaga[6] soit pour nous l’auteur d’une nombreuse famille.

19. Donne-nous la protection de ce brillant Bhaga ; nous avons confiance en ta libéralité. Tel que la bouche d’un volcan[7], notre désir s’étend. Remplis-le, toi qui es le maître des biens.

20. Satisfais ce désir ; amplifie-le en nous accordant des vaches, des chevaux, des richesses admirables. Jaloux de posséder tes faveurs, les sages, enfants de Cousica, t’adressent leurs offrandes et leurs prières.

21. Maître des vaches (aériennes), déchire pour nous leur sein fécond. Rassemble sur nous toutes

  1. Nom d’un Asoura, c’est-à-dire du nuage orageux. Ce mot veut dire retentissant.
  2. Voy. page 61, col. 1, note 1, et page 62, col. 1, note 1.
  3. Traduction de l’épithète alâtrinah, expliquée par alamâtardanah. Voy. l’histoire de Bala, page 44, col. 1, note 7.
  4. Traduction de l’épithète haryaswa.
  5. Nous avons dit, page 44, col. 1, note 7, tout ce que l’on pouvait entendre par le mot vache. Je suppose que l’auteur désigne le nuage. Cependant ce pourrait être la lumière ou le sacrifice.
  6. Le mot bhaga, quand il signifie part, est du neutre. J’ai dû penser que par le masculin Bhaga le poëte désignait l’Aditya, auteur du bonheur pour les hommes.
  7. Oûrva est le nom que l’on donne au volcan sous-marin Badavânala. Voyez à ce sujet ce qui est raconté, Harivansa, tome I, page 211. On fait aussi d’Oûrva un Asoura. Voy. plus bas page 211, ligne 5.