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[Lect. II.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

au réservoir que nous a préparé le Dieu. Nous ne pouvons arrêter notre course obligée. Que désire le sage qui interpelle les Rivières ?

5. (Viswâmitra parle.) Arrêtez un instant votre course à ma voix, (à la voix de celui) qui offre le soma, ô pieuses Rivières. Fils de Cousica, j’ai besoin de votre secours, et j’adresse à Soutoudrî une instante prière.

6. (Les Rivières parlent.) Indra, dont le bras est armé de la foudre, nous a ouvert une route. Il a frappé Vritra, qui renfermait les ondes. Que le divin Savitri, aux mains brillantes, nous conduise. C’est sous sa direction que nous roulons nos flots grossis.

7. On célèbre partout la force d’Indra, dont le bras puissant a percé Ahi. La foudre (du dieu) a frappé les compagnons (de l’Asoura), et les Ondes ont avec empressement suivi leur cours.

8. Chantre (des dieux), ne prends pas en mal nos paroles. Que tes chants passent jusqu’aux derniers âges. Ô prêtre, charme-nous par tes hymnes. Ne nous donne pas une mauvaise renommée parmi les hommes. Salut à toi !

9. (Viswâmitra parle.) Sœurs[1], écoutez bien le prêtre, je viens à vous de loin sur un char léger. Calmez votre fougue ; donnez-moi un passage facile. Car, ô Rivières, la force de votre courant renverse nos chars.

10. (Les Rivières parlent.) Prêtre, nous entendons tes paroles. Tu viens à nous de loin sur un char léger. Nous te saluons, comme l’épouse respectueuse ; nous te vénérons, comme la jeune fille devant un mortel (respectable).

11. (Viswâmitra parle). Les Bharatas[2] ont demandé à te traverser, (ô Soutoudrî) ; accueille aussi ma tribu, amie des vaches (célestes), et dirigée par Indra. Suivez votre cours ordonné : j’honore votre bonté, (Rivières) dignes de nos hommages.

12. Les Bharatas, amis des vaches (célestes), ont traversé déjà ces rivières, et le sage (leur conducteur) a honoré leur bonté. Gonflez-vous donc, Rivières bienfaisantes, emplissez vos mamelles fécondes, et marchez rapidement.

13. Que les rênes (de nos coursiers) s’élèvent au-dessus (de vos ondes), ô Rivières. Ne touchez pas à leurs jougs. Que deux (Rivières) aussi respectables que vous ne deviennent pour nous la cause d’aucun désastre ; qu’elles nous soient propices.


HYMNE V.

À Indra, par Viswâmitra.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Indra brise les villes de ses ennemis, et abat leur audace. Trésor d’opulence, il enrichit son serviteur. Excité par la prière, il grandit ; il répand ses nombreux bienfaits, et remplit le ciel et la terre.

2. J’invoque ton secours, (dieu) magnifique et fort ; j’élève la voix en l’honneur d’un immortel. Ô Indra, tu es le prince des nations humaines et des tribus divines.

3. Le puissant Indra a vaincu Vritra ; tel qu’un bouclier, il nous a protégés contre la magie (des Asouras). Terrible en sa colère, il a coupé les membres de son ennemi caché dans le nuage ; il a délivré les vaches (prisonnières) des nocturnes (brigands).

4. Indra donne le bonheur, enfante la lumière, triomphe avec les pieux (Angiras), et combat à la tête de son armée. En faveur de Manou il a élevé le brillant étendard des jours, et pour le grand combat il a préparé l’astre resplendissant.

5. Indra, tel qu’un héros vaillant, se distingue par mille actions d’éclat, et pénètre dans les rangs épais de ses ennemis. C’est lui qui inspire au poëte ces hymnes[3] magnifiques, et qui les teint de vives couleurs.

6. De nobles (chantres) célèbrent les nobles exploits de cet Indra, (exploits) admirables et sans nombre. Fort de ses divines magies, il a brisé la puissance des Dasyous malfaisants.

7. Dans ses illustres combats Indra va conquérir la richesse pour les Dévas, maître des hommes pieux et ami des sages dont il remplit les vœux. Près du foyer du père de famille qui l’honore, les prêtres renommés pour leur science célèbrent ses exploits dans leurs hymnes.

8. Les (chantres) religieux louent avec enthousiasme cet Indra vainqueur et magnifique, qui donne le bonheur, qui dispense les Ondes divines, qui crée le Ciel et la Terre.

9. Indra a donné des chevaux (aux Marouts) ; il a formé le soleil et la vache d’abondance[4]. Il

  1. Ce mot signifie encore rivières.
  2. Les Bharatas étaient une famille appartenant à la race lunaire : Viswâmitra était de la même race.
  3. Je ne sais pourquoi le commentateur veut que le mot dhiyah soit traduit par le mot aurores.
  4. C’est-à-dire le sacrifice, ou le nuage.