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nir dans une unité plus élevée, et arriver enfin à la conception de l’Être absolu, source éternelle de tout ce qui existe. Rien de plus curieux que l’histoire de ce travail prodigieux, où l’on voit l’esprit indien tamot s’égarer dans les questions les plus subtiles, tantôt s’élancer jusqu’aux plus hautes vérités, qu’il entrevoit comme par éclairs, sans parvenir à les fixer pour toujours. »

Edgar Quinet a caractérisé d’une manière fort juste le système religieux du RigVéda en 1 appelant la révélation par la lumière. L’amour de la lumière et l’horreur des ténèbres sont en effet le trait saillant de cette poésie. Les dieux sont nommés les Lumineux (dêoas, de dev, briller). Aujourd’hui encore, les Indous ont peur de la nuit ; ils sentent tant qu’elle dure une sorte de malaise, et se croient délivrés d’une oppression au retour du soleil. Mais combien ce sentiment devait être plus fort chez ces pasteurs arvas, pour lesquels la nuit éiait vraiment un temps dangereux, où ils avaient à défendre leurs bestiaux et eux-mêmes contre les bêtes féroces ! Aussi leurs hymnes éclatent-ils d’enthousiasme à l’aspect du soleil ; Indra est leur premier dieu. Agni (le feu) est bientôt identifié à une divinité.

« Dans les hymnes indiens, dit Edgar Quinet, vous sentez par degrés l’aube visible éveiller, exciter, provoquer l’aube de la pensée, et ce premier ravissement à la vue de l’univers devenir le fond et l’âme du premier culte. Aussi, la plupart de ces cantiques célèbrent, dans une foule innombrable de nuances, comme autant de génies précurseurs, la nuit qui s’efface, d’intelligence avec l’aube qui pâlit, le crépuscule qui se colore, les heures vermeilles ; puis les librations incertaines, les oscillations de l’aurore jusqu’à ce que Dieu entier, plénier, jaillisse avec le regard dévorant du premier soleil d’Asie ; en sorte que cette théodicée de la nature commence d’abord à poindre, puis s’obscurcit à vue d’œil et remplit à la fin tout l’espace, en même temps que le rayonnement de la lumière elle-même. » A côté de ces élans poétiques, se font jour des inspirations plus simples ; le poète chante la famille, les douceurs au foyer, la jalousie de l’épouse ; il appelle la

Îirotlection du ciel sur ses troupeaux ; les égeudes sacrées, les formules pour les sacrifices alternent avec des réflexions philosophiques sur les misères et les douleurs de l’homme, sur ses passions même, car une des plus curieuses pièces du recueil est l’hymne de désespoir d’un joueur, qui se lamente d’avoir perdu aux dés sa fortune et se compare à un vieux cheval, dont personne ne veut plus. Toute la gamme poétique est ainsi mise en vibration dans ces compositions primitives.

La période védique, qui commence à une époque indéterminée, peut être considérée comme close vers la moitié du vie siècle avant notre ère, à l’avènement du bouddhisme. Quelques pièces seulement, faites à l’imitation des anciennes, portent les traces d’une date plus récente. Une des difficultés inhérentes à l’étude de la littérature de l’Inde réside dans te manque presque absolu de chronologie. Si l’on veut fixer la date d’un livre, on peut se tromper de plusieurs siècles. Aussi les critiques ont-ils pris le sage parti de procéder, non par œuvre individuelle, mais par masses, et de leur assigner toute une période des temps historiques. La langue même, qui offre, dans toutes les autres littératures, des points de repère constants, ne peut en rien, sauf pour les Védas, guider la critique dans celle qui nous occupe ; car, pour les œuvres postérieures, le sanscrit s’étant maintenu dans une grande pureté pendant plus de vingt siècles, on peut croire ancienne une œuvre relativement moderne. Une seule considération peut aider à fixer des dates approximatives : la religion et la poésie sont

intimement mêlées dans tous ces poèmes, et, comme l’on connaît assez bien la succession des doctrines religieuses dans l’Inde, on peut s’aider de ce fil pour s’y reconnaître. Ainsi les Védas n’offrent point de trace d’une théogonie ; les dieux, Indra et Agni, le Soleil et le Feu, ne sont que des personnifications, des allégories ; il n est point question de Vichnou, de Siva ni de Brahma : c’est le signe de la plus incontestable antiquité. Plus tard, en s’aidant des développements que prit tel culte h certaine époque, et en recherchant les traces correspondantes dans les poèmes, il est possible d arriver à un bon résultat ; encore laut-il compter avec les altérations que l’œuvre primitive a pu subir.

À la période védique succède la période brahmanique, caractérisée d’abord par un travail successif qui porte sur les Védas. Aux hymnes, qui en forment le fond primitif, on ajoute deux autres parties plus dogmatiques, ou la main du prêtre est visible. Chacun des quatre recueils, le Rig-Véda, le Sâma-Véda, le Yatschour- Vëda, ’Atharvan-Yéda, se compose alors de trois parties : le Samhiia, recueil de chants, d’hymnes et de prières j les Brahmanas, ou rituels des chants spéciaux aux sacrifices, qui renferment aussi l’explication des allégories j enfin les Sûlras, sentences et maximes philosophiques et morales. Le Sam/iiia est la partie ancienne ; dans les Brahmanas et les Sûlras, le travail plus récent se laisse deviner. À la même époque doivent se rapporter les Upanischads, commentaire des Védas, où l’on essaye de fonder

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le domine. Enfin les lois de Manou, les : l/a/ ?ioa^ Daroa-Sastra, que nous ne mentionnons ici que comme un monument littéraire, ouvrent également la période brahmanique, inspirée encore directement de l’étude des Védas. Dès lors on voit poindre, dans la poésie comme dans la religion de l’Inde, ces idées de renoncement, de pénitence et de macération, qui ont fait les ascètes et ont inspiré les chants les plus sublimes. L’anéantissement de la

Eensée dans la prière et de l’individualité umaine dans le grand tout de la nature semble être le rêve des sages en ces aspirations extraspiritualistes, et se traduit dans toutes les conceptions littéraires de cette époque.

Ce qui caractérise surtout la période brahmanique, c’est la composition des deux grandes épopées indiennes, le Mahâbhârata et le Râmâyana, et celle des Puranas ou Antiquités, qui ne sont que les commentaires poétiques des Védas et de ces poèmes géants. Cette période, fort longue, il est vrai (v« siècle av. J.-C, xiiie siècle de l’ère moderne), marque l’apogée du brahmanisme et de la littérature de l’Inde. Le sanscrit, langue des castes supérieures, eut cependant ses jours de déclin, dans cette succession de dix-huit siècles, en face du bouddhisme, qui s’adressait aux masses, et qui fit pénétrer le prâkrit, la langue vulgaire, jusque dans les lettres sacrées.

Le Mahâbhârata est la plus ancienne épopée de l’Inde. Quoique sa rédaction définitive n’ait été arrêtée qu’au xme siècle, il n’est postérieur que de deux ou trois cents ans à VIliade, et u formait, à l’origine, un poème de 50,000 vers environ ; des additions successives l’ont porté à 250,000 vers ; mais toute trace d’unité a disparu dans ce travail des âges. Conçu primitivement pour retracer la guerre de deux grandes familles aryennes de l’Inde, les Gourous et les Pandous, il est devenu par la suite un poème religieux. On a incarné des dieux dans ses héros, et, toutes les doctrines qui ont dominé dans l’Inde voulant s’y refléter à leur tour, le culte de chaque divinité nouvelle a exigé une addition plus ou moins considérable, en même temps que des altérations dans tout le reste. Bien loin donc d’offrir la majestueuse unité de l’épopée grecque, que le temps a, au contraire, perfectionnée, le Mahâbhârata ne constitue guère qu’une série d’épisodes d’une grande ampleur, mais sans cohésion.

Il en est tout autrement du Râmâyana, que Michelet appelle d’immense poëme, vaste comme la mer des Indes, le livre d’harmonie divine, où rien ne fait dissonance. » On sent dans toutes ses parties la main d’un seul homme, et la tradition constante attribue, en effet, ce poème à. Vâlmiki, l’ascète du ive siècle avant notre ère. Le plan est d’une largeur épique, les développements sont puissamment coordonnés, et nulle œuvre grecque n’offre autant de richesse descriptive. Dan3 la peinture des sites comme dans celle des phénomènes naturels, le poète atteint une hauteur qu’il dépasse peut-être encore dans l’expression pénétrante des plus tendres sentiments. La légende, l’histoire, l’allégorie, les vieux mythes indous.se marient harmonieusement à des scènes purement humaines et à des conceptions fantastiques.

Ces deux poèmes prirent rang, avec les Védas et les Lois de Manou, parmi les livres sacrés de l’Inde ; la lecture n’en était permise qu’à la caste privilégiée, aux brahmanes. De là la nécessité d’en donner des résumés et des commentaires qui pussent en tenir lieu aux castes inférieures : ce sont les Puranas. Les grands Puranas, au nombre de dix-huit, n’ont pas été composés par les brahmanes, mais par la seconde caste, celle des kshattryias, ou plutôt par la caste intermédiaire, née des brahmanes et des fille3 des kshattryias. Les Indous en attribuent la composition, comme celle du Mahâbhârata, à Vyâsa (xihb siècle) ; mais, outre que de telles œuvres ne peuvent être dues matériellement à un seul homme, elles offrent trop de disparité pour n’être pas l’ouvrage de générations successives, réparties au moins en huit ou dix siècles. Les Puranas, dont l’ensemble est d’environ 1,600,000 vers, sont des recueils comparables à ceux de nos hagiograpb.es, et il est probable que chacun d’eux a un auteur différent. Cosmogonie, légendes, faits historiques, tout est transformé en mythes religieux, tout est rapporté aux incarnations de Vichnou et de Brahma. Ainsi, pour donner une idée de la confusion que ces légendes introduisent dans les matières dont elles traitent, non-seulement le Ramâyàna, malgré son fond historique, passe à l’état d’allégorie mythique, mais son auteur, Vâlmiki, devient une incarnation de Brahma, celle du dieu en misérable paria qui égorge les voyageurs, puis se fait ascète par pénitence, et consacre le reste de sa vie à chanter Rama, une incarnation de Vichnou. Les plus célèbres des Puranas sont le Bhâgavata-Purana et le VichnouPurana. Le premier, qui est populaire dans l’Inde, a été traduit enfrançais par Burnouf, et M. Leconte de l’Isle en a extrait un de ses meilleurs poèmes. On lui donne pour auteur Vopadèva, sur lequel, du reste, on possède peu de renseignements.

Au même genre d’inspiration se rattache une série nombreuse de poèmes, tirés soit des deux grandes épopées, soit des Puranas, mais avec une nuance de culture littéraire plus marquée, un raffinement de formes et

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d’expressions que la langue sanscrite n’a pas dépassées. Cette période, qui correspond cependant au développement du bouddhisme,

marque l’apogée de la littérature brahmanique. Malheureusement, il est impossible d’assigner à ces belles compositions des dates certaines. Tel est le Bhàgavata-Geeta, le chef-d’œuvre de la poésie contemplative. Comme fond, c’est un épisode du Mahâbhârata, compliqué de l’incarnation de Vichnou en Krichna. Comme cette incarnation est une des dernières, on peut assigner au poème une date comparativement récente. C’est aussi Krichna que célèbre le Geeta-Govinda, poëme pastoral de Jayadêva. La poésie bucolique et amoureuse prend son essor dans ces stances enflammées, que dépassent encore les Centuries de Bhartrihari, frère du roi Vikramâditya (56 av. J.-C). L’expression erotique atteint presque l’obscénité dans sa Centurie de l’amour, traduite en latin sous le titre de Carmen erotir.um (Berlin, 1833). Pour excuser le poète, il faut se rappeler le brûlant climat de l’Inde, les bayadères fardées et les danses voluptueuses. Le charme ni la grâce ne lui font défaut ; le brahmane égrène des perles et des joyaux avec la même onction que son chapelet de bois de sandal. De ses deux autres œuvres, la Centurie de Nili traite exclusivement de sujets moraux et philosophiques, et la Centurie du Vairayga est le dernier terme de la contemplation mystique et de l’extase. Le Balabhârala, d’Amara, 1 un des postes de Vikramâditya, do ceux que ce souverain lettré de l’Oude appelait ses Neuf pierres précieuses, n’est qu’une réduction du Mahâbhârata, altéré au point de vue des doctrines vichnouïtes. Le poète, qui était aussi un grammairien de premier ordre, a laissé, dans 1''Amara-Kosha (Trésor d’Amara), un vocabulaire raisonné, fort utile aujourd’hui aux érudits. Bharavi et Maya, qui furent ses contemporains, ont également tiré de petites épopées, remarquables par le fini du travail, du Mahâbhârata, qui, comme l’Iliade, a eu ses cycliques. Le plus illustre des poètes de Vikramâditya est Calidâsa ; ses poèmes et ses drames lui ont acquis une renommée éternelle. Parmi ses poèmes, citons le Raghouvansa, en dix-neuf chants, qui traite des aventures légendaires de Raghou, et le Meghadoula (le Nuage messager), allégorie amoureuse pleine d’imagination et de fraîcheur. Peut-être ne faut-il pas attribuer au même Calidâsa des compositions plus subtiles, placées également sous son nom : lePrasnottaraMàla eteSringara-Tilaca, poèmes erotiques ; le Ritou-Samhara, allégorie des saisons ; le Nalodaya, qui est resté, malgré toutes les interprétations, une pure énigme. Un autre Calidâsa paraît avoir vécu à la cour de Bodha (xre siècle de l’ère). En continuant jusqu’à cette époque la période brahmanique, on rencontre encore un grand nombre de petites épopées, de poésies lyriques et pastorales, affectant soit un mysticisme surnaturel, soit un sensualisme très-prononcé.

Sans qu’il y ait trace de déclin dans la langue, car le sanscrit, tout en n’étant plus, à partir du bouddhisme (vio siècle av. J.-C), qu’une langue savante, n’a jamais eu de décadence, la poésie atteint les limites extrêmes du raffinement. La grâce est efféminée et voluptueuse, l’amour y dégénère en langueur, la délicatesse en subtilité ; ce ne sont que parfums, aromates, bruits d’ailes, ramages d’oiseaux, comme dans les sélams persans ; la richesse du style est étonnante et reste cependant barbare par l’excès même de son luxe. Le plus parfait poète de cette école est Djagamâtha, l’auteur d’un Art poétique {Rasa gangadhara) et du Bh&mini-vilâsa, recueil de suaves élégies, dont quelquesunes ont été traduites en allemand par Bohlen. À ces genres secondaires nous rattacherons la fable, qui a tenu de tout temps une grande place dans la littérature de l’Inde. Le plus ancien recueil est le Pantchatantra, dont il est difficile de fixer la date ; chaque siècle y a fait des additions successives. L’Milopadêsa en offre en partie l’abrégé et présentes également des extraits d’un autre recueil qui est resté inconnu. L’un et l’autre sont attribués au bhramane Vishnu-Çarma (vis siècle de l’ère chrétienne) ; mais il est bien évident qu’il n’a été que le compilateur de matériaux plus anciens. Les traductions en ont été présentées à l’Europe sous le nom de Fables de Pilpaï, et sont restées une mine inépuisable pour nos conteurs et nos fabulistes.

Le drame indien mérite une mention spéciale. Il offre de l’intérêt par la comparaison que nous pouvons en faire avec le théâtre grec, dont il diffère si profondément, et nous est parfaitement connu, grâce aux travaux de Langlois, qui en a traduit de Wilson les principales pièces : Chefs-d’œuvre du théâtre indien, traduits en anglais par Wilson, et de l’anglais en français (Paris, 1828, 2 vol. in-S°). De consciencieux essais ont même transporté sur notre scène deux de ces drames : l’un avec toute sa naïveté, le Chariot d’enfant, par Méry, l’autre avec toutes les splendeurs d’une mise en scène orientale, Sacomtâla, par Théophile Gautier. Bien que né des pom Îies religieuses, comme la tragédie grecque, e draine indou perdit sans doute très-vite ce caractère sacré ; car ie plus ancien que nous possédions, le Chariot d’argile, du roi Sudraka, dont la composition doit remonter au moins à deux ou trois siècles avant l’ère chrétienne, est une simple comédie de mœurs.

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Sa perfection atteste, il est vrai, que son ancienneté pour nous n’est que relative et qu’il a été précédé de beaucoup d’autres essais. Quoique postérieur au théâtre grec, le théâtre indou ne lui a évidemment rien emprunté ; toutes les pièces sont d’un genre mixte, entre la comédie et la tragédie, et répondent assez bien au drame romantique, surtout par la multiplicité des scènes et des personnages. Notons toutefois qu’on n’y rencontre pas un seul dénoûment sanglant ; représentées à titre d’amusement royal, elles ne poussent jamais l’intérêt jusqu’au tragique, et l’auteur s’y fait un devoir d’y montrer à la fin la vertu récompensée, le vice repentant et pardonné.

Le plus illustre poSte dramatique indou est Calidâsa, à la naissance duquel la critique n’a pu encore assigner de date certaine, mais qui vivait à une époque de civilisation avancée. Les drames que nous possédons sous son nom, et qui ont été traduits par Wilson et par Langlois, ne sont postérieurs que de quel ques siècles tout au plus à ceux de Sudraka" et justifient l’hypothèse émise plus haut de deux poètes du même nom ; les drames appartiennent certainement au plus ancien. Ces compositions sont tantôt mythologiques et légendaires, comme Vi/crama et ùurvasi, Sacouutala : tantôt de simples comédies d intrigue : Mâlasika, Agnimika, Ourvdsi ; elles offrent des successions de scènes, souvent très-compliquées et divisées arbitrairement en cinq, sept et même dix actes. Parmi les autres auteurs dramatiques, nous citerons seulement Hanouman, contemporain et collaborateur de Calidâsa : à défaut de renseignements précis, peut-être faut-il se borner à •noter qu’il a remanié, à une époque postérieure, les drames de son devancier ; Harschadeva, auteur de comédies d’intrigue, entre autres le Ratnâuali ; Visâ-khadatta, dont nous possédons un remarquable drame historique, Moudra- Râkshasa, VAnneau du ministre ; Bhavabhuti (vmo siècle), auteur de Màlatt et Mâdhâoa, scènes de la vie privée dans l’Inde, à son époque ; Djaggadêva, auteur du Baysârna, etc. Le théâtre indou comporte aussi un certain nombre de pièces qui n’ont de similaires que les Autos sacramentales espagnols ; des personnages abstraits, les vices, Tes vertus y jouent seuls des rôles. Tel est le curieux Prdbhoda - Tchandrodaya, dont le titre exact serait le Lever de la lune de l’Intelligence. Il faut encore compter quelques farces, d’une gaieté assez grossière, qui montrent qu’aucun des genres actuels n’était ignoré de cette nation douée d’une imagination si riche, d’un esprit si souple.

Il nous reste à parler des écrits purement philosophiques, scientifiques et grammaticaux. Nous n’en dirons que peu de chose. La philosophie indoue est contenue dans des recueils de Sûtras (fil, enchaînement d’idées) dont le plus ancien est rapporté à Kapyla, auteur antérieur au vie siècle avant 1 ère chrétienne, et qui appartient à la première période de la langue sanscrite. Pataujali et Yânaval-Kiva en composèrent d’autres, dans la période initiale du bouddhisme, à l’époque où la révolution opérée par Cakya-Mouni était encore purement morale et trouvait de l’appui chez les brahmanes. Parmi les autres recueils, les plus remarquables sont : le Mimânsa-Sûtra, de Jaimini, qui est aussi l’auteur du Sâma-Véda ; le Sûlra, de Bâdayâ rana, et le Brâhma-Sitra, oui reflètent les ’ idoue ; la logiqu

est également exposée dans une série de Sû-

variations de la théogonie indoue ; la logique

iras, attribués à Kanada et à Gôtama, auteurs dont on n’a pu fixer l’époque. Parmi les grammairiens, le plus célèbre est Pànini, qui est considéré comme le législateur de la langue sanscrite et dont nous possédons une Grammaire, enrichie de nombreux commentaires par les érudits indous de tous les âges ; son œuvre, qui date de l’apogée de la langue sanscrite, remonte à une haute antiquité. A côté de cette Grammaire, on peut citer le Vocabulaire d’Amarasinha, contemporain de Calidâsa, et de nombreux traités de Poétique, de Rhétorique et de Métrique, composés à différentes époques, mais sur les principes que nous trouvons en vigueur dans les deux grandes épopées et même dans les Védas, La littérature sanscrite est également très-riche en livres d’astronomie, d astrologie, de médecine, en traités relatifs à la peinturé, à l’architecture, à la sculpture, attestant le haut degré de civilisation qu’atteignait l’Inde aux époques les plus reculées.

A côté du sanscrit et de la littérature brahmanique, le bouddhisme fit éclore de nombreux ouvrages, non-seulement différents par l’esprit qui les inspirait, mais écrits ou tout au moins composés et répandus dans une autre langue. Nul doute que cet esprit ne soit déjà visible dans certaines parties de la littérature brahmanique, même antérieurement à l’ère chrétienne et attachée encore exclusivement au sanscrit. Ainsi on peut noter dans les PuranaSf spécialement dans le Bhâgavata, des inspirations bouddhiques mélangées intimement aux doctrines vichnouïtes ; on peut même considérer comme dérivées directement du bouddhisme toutes ces larges compositions empreintes de contemplation, de renoncement et d’ascétisme, dont nous avons

parlé plus haut. La religion de Çakia-Mouni, dans les intervalles de persécution qu’elle subit de la part des brahmanes, eut de longe siècles de splendeur incontestée, principale-