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néreuses ; si Judith le veut, il rendra la liberté k tous les captifs hébreux, il lèvera mJma le siège de Béthulie. C’est au troisième acte que devait se trouver la scène sur laquelle la Bible a laissé tant de mystère. Mme de Girardin a évité la difficulté en faisant naître dans l’esprit d’Holopherne, au moment où il est à table k côté de Judith, le désir d’aller se reposer un moment. En effet, U quitte la salle du festin, mais après avoir fait promettre k la Juive de venir le retrouver a l’heure de minuit. Judith demande alors à Dieu de faire descendre sur les paupières d’Holopherne un lourd et prompt sommeil ; puis, elle s’arme d’un glaive, disparaît, et revient bientôt, ayant à la main le glaive teint de sang : elle a égorgé Holopherne endormi. Tout cela est sagement combiné, mais M«" de Girardin n’a pas mieux réussi que les autres dans cette œuvre difficile : rendre Judith intéressante. Son Holopherne est un galantin qui roucoule comme les bergers de Florian ; k chaque instant, Judith rappelle que c’est un barbare sanguinaire, un épouvantable tyran, une bête féroce ; mais on n’en croit rien, puisque chaque fois qu’il parait c’est le plus bénin des potentats et le plus courtois des hommes. La style même, qui pourrait racheter les défectuosités de l’ensemble, n’est pas au-dessus du médiocre ; le vers est terne et sans chaleur.

Judith, tableau d’Andréa Mantegna ; au musée de Berlin. L’héroïne vient d’accomplirl’acte terrible qui doit sauver Bélhulie. Elle ne montre ni faiblesse ni orgueil : elle triomphe avec une tranquillité superbe. Sa servante emporte, dans une corbeille placée sur sa tête, le chef énorme et sanglant du général assyrien. Ces deux figures se détachent sur un fond d’architecture enrichie de basreliefs et de pilastres : une fenêtre s’ouvre sur la campagne.

Ce tableau, peint a tempera sur un petit panneau de 16 pouces de hauteur sur 11 pouces de largeur, est daté de M88. L’exécution en est

fleine de délicatesse et k la fois de fermeté. 1 provient de la célèbre galerie Giustiniani. D’Agincourt en a publié une gravure dans son ouvrage sur les arts au moyen âge.

Une autre Judith, de Mantegna, qui n’est pas moins admirable, figure dans la galerie du comte de Pembroke, en Angleterre. L’héroïne, debout et de face, dépose la tête d’Holopherne dans un sac que lui présente sa vieille servante. Les deux figures sont encadrées par une draperie rose relevée. Au fond, on voit le lit et un bout du pied d’Holopherne. Selon M. Waagen, ce petit chef-d’oeuvre aurait fait partie de la collection de Charles Ier, où il aurait été désigné comme étant de la main de Raphaël.

Un dessin de Mantegna qui faisait partie de la collection de M. Gatteaux, et dont la composition est k peu près identique k celle du tableau du comte de Pembroke, a été gravé en fac-similé par M. Alphonse Leroy. On ne saurait assez admirer ici l’altière élégance de Judith, la complication savante de ses draperies, la pureté de son profil. La servante est d’une trivialité énergique ; la tête coupée d’Holopherne a la beauté d’un masque tragique. • Mantegna, a dit M. de Saint-Victor, est tout entier dans ce sublime dessin, avec sa passion sauvage de l’antiquité, Bon dessin sec et net, qui semble creusé dans le marbre, ses airs de tête figés et grandioses. »

Andréa Mantegna a gravé lui-même une composition semblable k celle de ce dessin.

Judith, tableau de Raphaël ; galerie de l’Ermitage k Saint-Pétersbourg. Judith, libératrice du peuple d’Israël, est déjà loin du cump des Assyriens] elle est seule, adossée contre un petit mur, la’ main droite appuyée sur l’épée dont elle s’est servie pour faire périr l’ennemi de Dieu. Elle paraît attendre que les portes de Béthulie soient ouvertes pour ren’ trer dans la ville, et y faire voir au peuple la tête d’Holopherne, sur laquelle elle appuie son pied gauche. La figure de Judith est charmante ; elle parait satisfaite de sa victoire, sans que sa douceur en soit altérée, comme pour montrer qu’elle a été conduite par l’esprit de Dieu. On sait gré à Raphaël de n’avoir pas représenté l’action héroïque de Judith, parce que cette terrible action ne lui aurait jjas permis de laisser it la figure de Judith a grâce qu’il mettait d’habitude dans ses têtes de femme. À part les plus éminentes qualités, un peu de sécheresse dans le jet des draperies et un paysage mesquin font supposer que ce tableau, malgré sa finesse, est des premiers temps de Raphaël. M. Viardot va plus loin : ■ La Judith, dit-il, est assurément une très-belle académie, de haut style, de sage et forte peinture. Mais parce ou elle a tous ces mérites, faut-il absolument 1 attribuer à Raphaël ? n’est-elle pas simplement l’ouvrage d’un de ses élèves ou du ses condisciples, du Fattore, par exemple, ou du

Pinturicchio ? »11 est impossible, à notre avis, de méconnaître ici la main de Raphaël : et cette admirable jambe gauche de la Judith, aussi adorablement peinte qu’elle est dessinée, suffirait k elle seule pour lever tous les doutes ; « elle est k elle seule un poërne, » dit Téophile Gautier.

Judith et Holopherne, tableau du Tintoret ; au musée de Madrid. Ce musée possède trois tableaux du grand artiste vénitien relatifs à Judith : l’un représente l’héroïne écartant d’une main le rideau du lit où Holopherne

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dort profondément, et tenant da l’autre moin le fer meurtrier : derrière elle, la servante attend, le sac k la main. Cette peinture est simplement ébauchée ; mais on y trouve cette verve et cette chaleur qui donnent un si grand attrait aux esquisses du maître. La seconde toile nous montre Judith tendant à sa servante la tête qu’elle vient de couper : sa belle tête, inclinée, lance de côté un regard énergique ; sa robe est retroussée de façon à découvrir une de ses jambes. Il est regrettable que les ombres de ce beau tableau aient poussé au noir. La troisième composition est la plus remarquable : Judith rejette la couverture du lit sur le cadavre d’Holopherne, et semble consulter du regard la servante qui met la tête dans un sac. À gauche est une table couverte d’une nappe ; dans le fond, par une fenêtre ouverte, on aperçoit le camp des Assyriens. Judith est richement vêtue ; des perles ornent sa chevelure et le haut des manches de sa robe bleue ; elle est coiffée d’une sorte de diadème d’or ; une gaze couvre les seins sans les cacher ; les pieds sont chaussés de légers cothurnes. Le haut du corps d’Holopherne est dans l’ombre ; les jambes et le bras qui pend jusqu’à terre sont bien éclairés. « Ce corps en raccourci, dit M. Viardot, rappelle par son audace et son bonheur les admirables raccourcis du SaintMarc et de VEsclave, de l’Académie des beaux-arts de Venise. >

Judith tenant la tole d’Holopherne, chefd’œuvre do Cristofano Allori (le Bronzino) ; au palais Pitti (Florence). Judith est représentée presque de face, k mi-corps, serrant dans sa main droite le cimeterre et tenant par les cheveux, de l’autre main, la tète d’Holopherne. Elle est vêtue d’une tunique jaune, d’une écharpe blanche et d’un manteau bleu doublé de rouge. Sa tête superbe est couronnée par une abondante forêt de cheveux noirs ; ses yeux brillent sous leurs longs cils ; ses lèvres sensuelles expriment le dédain bien plus que le dégoût. Derrière elle, une vieille servante tient un sac dans les mains. Une tenture forme le fond du tableau. Sur le devant est un coussin de velours vert bordé d’or. La Judith du Bronzino est justement célèbre. ■ Ce n’est pas, dit M. Guizot, qu’on y trouve une expression spécialement appropriée au sujet ; le peintre ne s’est point attaché k rendre cet enthousiasme singulier d’une femme juive, au milieu d’une action qu’un siècle et un peuple barbares ont pu appeler héroïque, puisqu’elle était le fruit d’un patriotisme plein de dévouement ; on ne voit rien de barbare dans la tête de Judith ; rien n’y rappelle une joie fanatique ; elle est noble, calme, d’une beauté sévère ; peut-être la légère nuance de tristesse qui s’y laisse entrevoir contribue-t-elle k adoucir ce que, sans cela, ces yeux noirs, ces cheveux noirs, cette bouche dure et froide, ce maintien grave et tranquille, au milieu d’une action si terrible, auraient pu avoir de repoussant.... L’exécution est admirable : les chairs sont pleines, moelleuses, veloutées ; tous ces traits sont peints avec ce fini qui ajoute k la vérité sans dégénérer «n détails minutieux. Les cheveux, en particulier, sont d’une extrême souplesse et du plus bel effet. ■

On raconte, au sujet de ce tableau, une anecdote qui en augmente l’intérêt. On dit qu’Allori, tourmenté par les caprices de Mazzafirra, sa maitresse, et a3rant peine k suffire par son travail aux folles dépenses de cette femme, imagina de s’en venger en la peignant dans la rôle de Judith t en donnant les traits de la mère de Mazzahrra k la vieille servante qui se penche comme pressée d’envelopper la tète et d’aller en recevoir le prix, et en se représentant lui-même en Holopherne. Chacun des trois visages, ayant son expression bien distincte, est traité avec un art merveilleux. La tête du peintre, quoique à demi éclairée seulement, est un chef-d’œuvre de relief et de vérité ; une profonde douleur contracte ses sourcils, tandis que de sa bouche entr’ouverte semble sortir un soupir d’amour.

Ce tableau, si nous en croyons Baldinucci, fut exécuté pour le cardinal Alexandre Orsino. Le musée des Offices en possède une réduction peinte par le Bronzino lui-même avec une extraordinaire délicatesse. Les copies de ce chef-d’œuvre sont nombreuses ; le musée du Belvédère en a une que le catalogue donne k tort comme étant un original. Parmi les gravures non moins nombreuses, nous citerons celles de Gioacchino Cantini, Mauro Gandolll (1819), L.-A. Claessens.

Judith, tableau d’HoracoVernet. Ce tableau représente la veuve de Béthulie, debout près du lit où repose Holopherne, et levant son cimeterre pour trancher la tête k l’ennemi d’Israël. On se rappelle encore le succès de vogue qu’il obtint parmi les gens du monde lors de sa première apparition au Salon de 1831. La critique ne partagea pas cet enthousiasme. « La. Judith, dit M. Gustave Planche, est très-maniérée. J’imagine que, si le drame traité par M. Vernet était mis en opéra, l’héroïne ne manquerait pas d’étudier et de reproduire son tableau. Il y a dans le sourire d’Holopherne endormi une lubricité vulgaire et triviale ; sa tête manque absolument de grandeur, n’inspire aucun effroi, et ne permet pas de trembler un seul instant pour celle qui va si hardiment et si brusquement rompre son sommeil. Quant k Judith,

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dont tout le monde connaît le modelo copié | presque littéralement sur une actrice mêlée k do funestes souvenirs, on peut assurer que MH° P... avait, et conserve encore, une majesté imposante et grave qu’on chercherait en vain sur la toile de M. Vernet. » — «Judith, ne tue Holopherne, selon M. About, que pour causer aux regardants cette terreur douce qu’on va chercher au théâtre. Il n’y a rien dans ce tableau qui remue profondément les entrailles ; mais on y voit une idée claire, élégamment exprimée. C’en est assez pour produire de l’effet, » Il n’est pas jusqu’k Th. Gautier, dont les jugements sont en général d’une bienveillance frisant la banalité, qui ne laisse aussi tomber un blâme : • On ne saurait nier, dit le critique, que la scène ne soit disposée d’une façon très-dramatiquo ot quo la veuve do Béthulie n’ait une belle tête encadrée de magnifiques cheveux noirs ; mais le sujet a été traité d’une façon si supérieure par tant de grands peintres, que M. Horace Vernet, pour le renouveler, a été forcé de recourir a la bizarrerie. • Ajoutons k notre tour que, lorsqu’on veut toucher k cet ensemble de poëmes qu’on appelle la Bible, il faut le faire hardiment, mais simplement, comme Milton ou Raphaël, qui ont poétisé et agrandi les paroles de lu Bible de toute la puissance de leur génie, tandis que Horace Vernet est resté au-dessous de sa tâche, en essayant d’enjoliver le drame biblique.

Judith et Hoiopiierne, tableau de Henri Regnault ; au musée de Marseille. Le général des Assyriens, appesanti par l’ivresse, dort, étendu sur sa couche, en travers du tableau. Il a le haut du corps entièrement nu, la tête renversée sur le chevet, le col gonflé et tendu, la bouche ouverte ; on croit entendre le bruit de sa respiration. Sa jambe droite est recouverte d’une draperie verte ; la gauche est nue, allongée sur une draperie noire. Les bras sont jetés nonchalamment le long du corps, le gauche appuyé sur une peau de bête fauve. Tout, dans l’attitude de cet homme, dénote l’accablement profond où le vin et la luxure l’ont fait choir. Debout près du lit, Judith, sur le point de frapper l’ennemi d’Israël, éprouve une sorte d’hésitation ; elle est partagée entre la volonté de sauver Béthulie et l’horreur de faire couler le sang. D’une main, elle étreint vaillamment le sabre qui va tuer Holopherne ; de l’autre, elle se retient, elle se cramponne k une tenture placée derrière elle. Héroïne, elle brûle du désir de frapper le monstre : femme, elle s’apitoie sur sa victime. « Judith, dit la Bible, se tenait près du lit, priant avec des larmes et remuant les lèvres en silence. Elle dit : Seigneur, Dieu d’Israël, fortifiez-moi et rendez-vous favorable k ce que ma main va faire, afin que vous releviez, selon votre promessej votre fille de Jérusalem. » Mais il faut se hâter ; la servante écarte les rideaux de la tente du général assyrien et montre k sa maîtresse l’horizon qui se teint des lueurs de l’aube. Cette esclave, à la face bronzée, est coiffée d’un mouchoir jaune ; elle a un sourire et un regard hardis qui contrastent avec l’air pensifet triste de Judith.

À la différence de la plupart des peintres qui ont dénaturé le caractère et faussé la couleur du drame de Béthulie, en adoptant des types, des costumes empruntés aux personnages de leur propre pays ou simplement imaginaires, Regnault a mis en scène de véritables Orientaux. L’Holopherne est bien de race asiatique, plutôt de celle d’Arabie, k dire vrai, que de celle des peuples d’au delà de l’Euphrate. Sa chevelure noire, rasée près des tempes, est rejetée en arrière. Son bras gauche est tatoué de dessins bleuâtres, particularité que réprouve sans doute le purisme académique, mais qui a ce mérite, à nos yeux, d’être en harmonie avec l’étrangetô, la sauvagerie, disons le mot, de la scène biblique. Regnault s’est d’ailleurs profondément pénétré de la poésie biblique et B’est efforcé da l’exprimer et de la traduire sur la toile, en lui conservant toutes ses naïvetés, toutes ses réticences, toutes ses audaces et toutes ses délicatesses. Au lieu donc de nous offrir, comme presque tous ses devanciers, une Judith ayant la tournure hardie et les appas plantureux d’une courtisane, la prestance et la mine délibérée d’une virago, il a donné kla veuve de Menasses une attitude pleine da gravité ; elle est rayonnante de beauté, mais cette beauté n’a rien que de chaste. Au point de vue de la forme et de la couleur, comme au point de vue du sentiment, cette figure est certainement une des créations les plus originales de l’art contemporain. La tète, légalement inclinée et de profil, est couronnée par une abondante chevelure noire qui couvre le front et les tempes, et k laquelle se mêlent les lames d’or d’une mitre. À l’oreille pend une grande boucle d’argent. Le nez est tin, délicat, un peu trop petit cependant ; les lèvres roses s’entr’ouvrent ; l’œil, d’un noir sombre, a une fixité étrange. Un reflet de mélancolie est répandu sur tout le visage. Le corps est superbe. Les épaules nues sont modelées dans une demi-teinte des plus harmonieuses ; les bras sont ornés de larges bracelets et sillonnés de petites veines bleuâtres qui accusent la délicatesse de l’épiderme. La tailla est enveloppée d’une ceinture de gaze brochée d’or qui couvre, sans les voiler, des seins d’une forme exquise, et qui retombe k gauche sur une jupe d’étoffe noire élégam JUDI

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ment drapée. Cette jupe, qui descend jusqu’k terre, laisse passer un bout de pied rose et mignon, au doigt duquel scintille un rubis. Judith s’était parée des plus brillants atours pour séduire Holopherne : « Elle se parfuma de myrrhe précieuse, orna sa chevelure et mit sur sa tête une mitre magnifique. Elle se revêtit d’habits de soie, mit des sandales k ses pieds, prit des bracelets, des lis, des pendants d’oreilles, des anneaux, et se para de tous ses ornements. Dieu même augmenta sa beauté, parce que toute cette parure n’avait pas pour principe la passion, mais la vertu. » Ainsi s’exprime le livre sacré. L’artiste, comme on voit, s’est exactement conformé à ce programme. Sa Judith a toutes les séductions.

«Ce qui est vraiment admirable dans co tableau, dit M. Marius Chaumelin O’Ari contemporain, p. 347), c’est l’éclat, la richesse, l’harmonie et la force du coloris. Los tons extrêmement diversifiés se soutiennent, se renforcent mutuellement, tout en conservant leur valeur locale. La lumière, venant de la droite, frappe la main de Judith, cramponnée au rideau, et fait scintiller les joyaux dont les doigts de cette main sont ornés ; puis, elle se joue k travers les paillons d’or de la ceinture de gaze, et, de 1k, se répand sur le riche tapis oriental qui recouvre le sol, sur le chevet du lit agrémenté de passementeries et rehaussé de pierres précieuses, sur la peau da bête et la draperie blanche qui avoisinent le braset l’épaule gauches d’Holopherne ; elle éclaire enfin la gorge et le visage de ce dernier, mettant ainsi en relief cette tête que Judith fera tout k l’heure accrocher comme un épouvahtail et un trophée aux murs de Béthulie. On pourra critiquer l’intensité, la nature même de cette lumière ; sa blancheur, sa vivacité sont celles de la lumière du soleil ; or la scène se passe la nuit, dans l’intérieur d’une tente que devrait éclairer la lueur jaunâtre et vacillante d’un flambeau. Le texte biblique n’autorise même pas k supposer, comme paraît l’avoir fait Henri Regnault, que l’aurore commence k rougir le ciel ; Judith rentra à Béthulie bien avant le lever du soleil. Mais de pareils anachronisines méritent ’peu qu’on s’y arrête et n’enlèvent rien d’ailleurs h la valeur pittoresque de cette magnifique composition. Sans doute, on ne manquera pas d’évoquer le souvenir de Delacroix à propos de cette peinture... Si l’on veut dire que nul peintre d’histoire n’approche plus que Regnault de l’auteur du Massacre de Scio, tant pour le sentiment poétique et l’intelligence du drame, que pour la véhémence et l’éclatdela couleur, on a raison, liais ne voir en lui qu’un imitateur, un copiste, c’est se tromper étrangement... Il semble avoir senti la nécessité d’unir aux séductions de la couleur cette précision et cette noblesse de lignes trop souvent sacrifiées par Delacroix. La figure de Judith est d’un dessin mâle et correct, délicat dans les chairs, souple dans les draperies, presque sculptural dans l’ensemble. Le torse et la tête d’Holopherne sont modelés avec une fermeté, une ampleur et une science auxquelles l’Académie ne trouverait Sans doute guère k reprendre. Quelques détails sont d’une facture un peu lâchée, mais il ne faut pas oublier que l’œuvre n’est point achevée.» Ajoutons que Henri Regnault n’était encore qu’élève lorsqu’il peignit cette œuvre remarquable, qui figura parmi les envois de l’école de Rome, en 1869.

JUDITH, seconde femme de l’empereur Louis le Débonnaire, née au commencement du ixe siècle, morte le 19 avril 843. Elle était fille du comte bavarois Welp ou Welph, un des grands feudataires de l’empire, et avait d’abord voulu s’ensevelir dans un cloître ; elle fut cause de tant de maux pour la Franco qu’il eût été préférable qu’elle suivit sa première résolution. Louis l’épousa pour sa beauté ; il lu prit entre les plus belles filles de ses leudes, amenées k la cour d’Aix-la-Chapelle afin qu’il pût faire son choix, et elle lo subjugua complètement (819). La naissance du fils qu’elle lui donna (823), et qui fut depuis Charles le Chauve, causa les premières dissensions, en forçant l’empereur à revenir sur le partage déjà fait entre ses trois fils du premier lit ; bien plus, Judith, qui séduisait tout le monde, parvint k arracher k Lothaire, l’un d’eux, son consentement k ces conventions nouvelles ; mais k peine hors de sa présence, il nia ses engagements et entra en campagne. Louis, pour se défendre, appela près de lui Bernard, comte de Barcelone, que la rumeur publique donnait pour amant k Judith et auquel on attribuait la paternité même de Charles. Ce fut dans cette situation ridicule de mari débonnaire, gouverné par l’amant de sa femme, qu’il eut k supporter toutes les dernières avanies de son règne. Lothaire, révolté, parvint k s’emparer de Judith et l’envoya au monastère de Sainte-Marie de Laon ; Pépin l’arracha de cette retraite, la menaça de mort, la força de promettre qu’elle prendrait la voile et qu’elle ferait déposer les armes k son époux. Judith fut alors enfermée au couvent de Sainte-Radegonde, à Poitiers, et Louis, rétabli sur le trône, mais gardé a vue par ses fils rebelles (830). L’année suivante, au plaid général de Nimègue, Louis ressaisit tout son pouvoir ; Judith fut rappelée de Poitiers k Aix-la-Chapelle, et, en présence de l’assemblée des leudes, réunis k Aix, de Louis et de ses fils, elle