Page:Lautreamont - Chants de Maldoror.djvu/161

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de l’aigle qu’il soit vaincu. Qu’attendent-ils pour s’attaquer ? Je suis dans des transes mortelles. Voyons, dragon, commence, toi, le premier, l’attaque. Tu viens de lui donner un coup de griffe sec : ce n’est pas trop mal. Je t’assure que l’aigle l’aura senti ; le vent emporte la beauté de ses plumes, tâchées de sang. Ah ! l’aigle t’arrache un œil avec son bec, et, toi, tu ne lui avais arraché que la peau ; il fallait faire attention à cela. Bravo, prends ta revanche, et casse-lui une aile ; il n’y a pas à dire, tes dents de tigre sont très bonnes. Si tu pouvais approcher de l’aigle, pendant qu’il tournoie dans l’espace, lancé en bas vers la campagne ! Je le remarque, cet aigle t’inspire de la retenue, même quand il tombe. Il est par terre, il ne pourra pas se relever. L’aspect de toutes ces blessures béantes m’enivre. Vole à fleur de terre autour de lui, et, avec les coups de ta queue écaillée de serpent, achève-le, si tu peux. Courage, beau dragon ; enfonce-lui tes griffes vigoureuses, et que le sang se mêle au sang, pour former des ruisseaux où il n’y ait pas d’eau. C’est facile à dire, mais non à faire. L’aigle vient de combiner un nouveau plan stratégique de défense, occasionné par les chances malencontreuses de cette lutte mémorable ; il est prudent. Il s’est assis solidement, dans une position inébranlable, sur l’aile restante, sur ses deux cuisses, et sur sa queue, qui lui servait